Récemment, je suis tombée sur un article de Gabrielle, française expatriée en Angleterre qui anime le blog L’Allée du Monde, et auquel j’ai eu envie de répondre. Dans son post, elle s’interrogeait sur ce dont elle était le plus fière depuis le début de sa vie à l’étranger et cela m’a mené à me poser la même question. Comme Gabrielle, j’ai la fâcheuse tendance à voir le verre plutôt à moitié vide qu’à moitié plein. Et comme elle, si je considère que cela peut être une force pour aller toujours plus de l’avant, c’est parfois quelque chose de difficile à gérer. Le pessimisme nous mène inévitablement à des insatisfactions, qui dans certains cas, peuvent finir par prendre la forme d’une insatisfaction chronique globale. Bien des fois, j’ai expérimenté une sorte d’état latent où je me sens frustrée de ne pas faire plus : plus grand, plus fort, plus prestigieux, plus reconnu, plus rentable, plus audacieux, plus tout. Parfois cela me pousse à entreprendre, mais d’autres fois cela me fatigue extrêmement et me conduit à un immobilisme (effet pervers de la chose) où j’arrive à la conclusion : « A quoi bon faire plus ? De toute façon, ce n’est jamais assez et je ne suis jamais satisfaite » Il est donc temps de faire le bilan, positif, de ce dont je suis le plus fière depuis que j’ai quitté la France.
1 – J’ai osé
Partir vivre à l’étranger et « tout quitter » n’est une décision ni légère, ni facile. Mais je l’ai fait. J’ai osé, j’ai fait le grand saut.
Je dirais que le voyage était déjà inscrit en moi car durant mon enfance et mon adolescence, j’ai eu l’opportunité d’effectuer de nombreux séjours hors de France, avec ma famille ou dans un cadre scolaire : en Espagne, au Portugal, en Autriche, en Italie, en Tunisie, au Sri Lanka, en Indonésie, à New York et bien d’autres encore ! Pour autant, je n’étais jamais partie complètement seule.
Lorsque je me suis envolée au Mexique pour mon semestre d’échange, je me suis rendu compte que pour beaucoup de mes compagnons du Master, le voyage seul était quelque chose de très naturel, évident même. La majorité avait déjà effectué un, voire deux semestres à l’étranger, à tel point qu’il s’agissait presque d’une routine pour eux. Mon expérience à moi fût bien différente car bien que j’ai l’amour du voyage, être seule dans un pays de l’autre côté de l’Atlantique était quelque chose de complètement inédit.
Je me souviens être partie poussée par ce sentiment d’insatisfaction chronique dont je vous ai parlé un peu plus haut, avec cette idée de « pas assez » et de devoir « faire plus ». Cependant, bien que je ressentais cet élan en moi, j’avais peur. Peur de ne pas savoir me repérer, peur de ne pas savoir où aller et à qui m’adresser, peur du danger, peur de l’inconnu. C’est après, avec le temps, après être partie et surtout après avoir pris la décision de m’installer au Mexique à l’issue de mes études, que j’ai pris conscience que le but ultime n’est pas d’avoir peur de rien. Au contraire, le but c’est d’avoir peur et d’aller au-delà de cette peur, de franchir le cap. C’est cela qui donne un immense sentiment de satisfaction et surtout d’accomplissement.
2 – Je suis désormais trilingue
Quand je suis partie, soyons honnête, mon niveau d’anglais était très faible. Et j’avais clairement oublié tout mon espagnol. A l’aube de mes 26 ans, je traînais ça comme une honte. C’est lorsque j’étais partie en Indonésie pour rendre visite à ma famille (j’avais alors 16 ans) que j’avais pris conscience de l’ampleur du problème. Lors de ma correspondance à Amsterdam je n’avais que très peu de temps et je m’étais emmêlée les pinceaux avec le stress. Je ne savais pas où aller et lorsque j’avais voulu demander de l’aide à un agent dans l’aéroport cela avait été la panique. J’étais incapable d’aligner deux mots en anglais et bien-sûr la personne ne parlait pas français. Au final, tout s’était résolu quand j’avais montré mon billet d’avion mais c’était comme si j’avais reçu une claque. Après, pendant mon séjour, je m’étais aperçue qu’il m’était impossible de communiquer avec la communauté internationale de Jakarta.
A mon retour en France, j’avais eu une sérieuse discussion avec ma professeure d’anglais afin d’évaluer comment je pouvais m’améliorer. Encore aujourd’hui, je pense à elle avec affection, car elle m’a beaucoup aidé en me donnant les cours « de base » qu’elle utilisait au collège avant qu’elle n’enseigne au lycée. Parallèlement, je me suis inscrite aux cours du CNED et bien après le lycée, alors que je travaillais à Paris, j’ai continué à prendre des cours. Malheureusement, ce n’était pas suffisant.
Quand j’ai été admise en école de commerce, on m’a indiqué que mon niveau d’anglais était très faible et l’on m’a conseillé d’effectuer mon premier semestre à Paris afin de bénéficier d’un renfort. Problème : le Mexique n’était pas possible au deuxième semestre. J’ai donc insisté pour partir. A mon arrivée, ça été le choc. J’avais des difficultés à suivre les cours en anglais et à échanger avec les autres étudiants. Je sentais le regard des autres sur moi et aussi leur jugement : « Mais que fait-elle ici ? Comment a-t-elle été admise dans le programme ? Elle a certainement dû bénéficier d’un traitement de faveur. De toute façon, c’est bien connu, les écoles de commerce cherchent à faire du fric, du moment qu’elle pouvait payer c’était sûr qu’ils allaient la prendre. »
Cela a été difficile mais je ne regrette rien. En fait, je crois que j’avais besoin de ça pour vraiment maîtriser une nouvelle langue. J’avais tout simplement besoin d’une immersion. Finalement, après 4 mois, je parlais anglais et je commençais à me débrouiller en espagnol. C’est par la suite, quand je me suis installée après mes études, que je me suis mise à fond dans l’espagnol et aujourd’hui je le maîtrise peut-être autant que l’anglais. Avec le français, je suis désormais trilingue et j’envisage même de me mettre au portugais.
3 – J’ai pris un chemin inattendu
Paradoxalement, alors que j’étais entrée en Master de commerce international et partie étudier au Mexique afin d’accomplir de nouveaux projets professionnels, ces derniers ont sacrément été mis à mal (pour plus d’informations à ce sujet voire le A Propos et l’article J’ai renoncé à la vie de godin). Mais cela m’a aussi ouvert un nouveau chemin…Celui de l’écriture. C’est grisant et ça fait peur en même temps car c’est un peu comme un nouveau saut dans l’inconnu. Le blog peine à démarrer, j’en suis consciente, et je me suis donnée pour mission d’achever mon livre. C’est difficile car ce ne sont pas des activités rentables et elles n’offrent pas résultat ou de bénéfice immédiat, concret, si ce n’est la satisfaction de me consacrer à ce que j’aime (vous me direz, c’est déjà beaucoup). Ma source de revenus provient des classes de français que je donne et sans l’aide de mon partenaire, rien de tout ça ne serait possible (bon, il est aussi la raison pour laquelle je vis au Mexique). Je ne sais pas encore de quoi sera fait demain et pour le moment je dois me concentrer, travailler, m’accrocher pour que ça fonctionne. Je dois lutter avec moi-même pour ne pas être pessimiste, ne pas céder à la panique et surtout ne pas me laisser envahir par le jugement des autres qui n’est pas toujours bienveillant. Mais je pense aussi que je suis en train de vivre une formidable aventure et que c’est une opportunité qui s’offre à moi.
4 – J’ai rencontré mon partenaire de vie
Moi qui avait toujours proclamé haut et fort que je ne marierais jamais et bien voilà, c’est fait ! J’ai rencontré Andy peu de temps après mon arrivée au Mexique et nous ne nous sommes plus quittés. Sans être vraiment capable d’expliquer le pourquoi du comment, j’ai tout de suite su que c’était lui. Alors quand il m’a demandé de l’épouser le 31 décembre à minuit, seulement 5 mois après notre rencontre, j’ai simplement et naturellement dit oui. Je savais que ça semblait complètement fou, que je ne le connaissais pas depuis longtemps et que ça allait bouleverser ma vie, mais je voulais juste être avec lui. Andy ayant son entreprise au Mexique, il semblait compliqué pour lui, du moins pour le moment, de venir s’installer en France. C’est donc moi qui ai déménagé au Mexique et nous nous sommes mariés deux fois l’année dernière, au Mexique puis en France (voir L’Année 2017 : le bilan.) Qui sait comment les choses évolueront mais pour le moment, l’instant présent, c’est au Mexique. Partager sa vie avec quelqu’un d’une autre nationalité, une autre langue, une autre culture, peut être parfois un véritable challenge mais c’est aussi infiniment enrichissant. J’écrirais plus à propos des couples mixtes prochainement.
5 – Je me sens plus complète
C’est un sentiment étrange car mon pays et mes racines me manquent. Il n’y a pas un seul jour sans que je ne pense à ma famille, ou à ma meilleure amie qui n’a pas vraiment accepté mon départ, et il y a des jours où c’est plus difficile que d’autres. Mais dans le même temps, curieusement, je me sens plus complète et plus riche. Riche d’une autre culture, riche d’autres langues, riche d’autres saveurs. Je me sens plus ouverte à tout ce qui m’entoure. Partir vivre à l’étranger a ouvert en moi une fenêtre sur le monde où je me sens plus concernée par ce qui passe à l’extérieur. Ça peut sembler bête, mais je me renseigne plus sur l’actualité et les affaires internationales, sur les avancées écologiques, sur les tendances qui rythment notre monde. A Paris, je n’étais pas indifférente mais j’étais plus concentrée sur moi-même et mon quotidien.
En définitive, le bilan de ma vie à l’étranger est plutôt positif et je vais peut-être commencer, enfin, à voir le verre plutôt à moitié plein qu’à moitié vide !
Si vous aussi vous êtes expatriés, je veux vous entendre ! N’hésitez pas à partager votre expérience et ce dont vous êtes le plus fier depuis le début de votre vie à l'étranger. Et si vous avez des questions sur l’expatriation, la vie à l’étranger, le Mexique ou autre, je me ferais un plaisir d’y répondre.