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Vivre à l’étranger pour prendre conscience de sa propre identité


Avant de vivre au Mexique, je n’avais jamais vraiment ressenti un sentiment d’appartenance à la France. Bien que disposant de ma carte d’identité française, de mon passeport français et de mon permis de conduire français, je ne me sentais pas intimement Française. Aucune poussée de nationalisme chez moi, aucune fierté particulière, et je dirais même plutôt parfois une gêne. Gêne lorsque je voyais des touristes se faire malmener par l’accueil (ou plutôt absence d’accueil) français. Gêne par l’arrogance du Français qui a tendance à « ramener sa fraise » et penser qu’il a toujours raison. J’y vais peut-être un peu fort mais je dois admettre que j’ai retrouvé ce stéréotype chez grand nombre de mes compatriotes. Je suis donc partie au Mexique sans avoir conscience de porter en moi un bagage culturel bien français.

* L’arrivée et le désir de gommer mon étiquette de Française

Quelle ne fût pas ma surprise lorsqu’à mon arrivée je me suis retrouvée désignée comme LA Française. Cela était principalement dû de prime abord à deux aspects :

  • Mon apparence physique : je suis blanche, j’ai les cheveux châtain clair et j’ai les yeux verts.

  • Mon accent français : après presque deux ans, que ce soit en anglais ou en espagnol, il ne me quitte pas !

Au-delà de ces deux points très évidents, les Mexicains avaient tendance à me renvoyer d’autres caractéristiques qu’ils jugeaient très françaises tels que le franc-parler ou une certaine distance/froideur. A titre d’exemple, au Mexique on utilise beaucoup de filtres lorsque l’on s’exprime : il est impoli de dire non ou bien d’être trop « vrai », trop « frontal ». Une forme d’hypocrisie sera toujours privilégiée, du moins ce qu’un Français perçoit comme de l’hypocrisie. Au contraire, au Mexique, c’est une forme de politesse. Cela peut se révéler compliqué dans un contexte professionnel car tout a tendance à être pris de manière personnelle : comment alors reprendre un employé sur son travail ? De plus, la distance corporelle est beaucoup plus réduite au Mexique qu’en France. Pour se saluer, les Mexicains se font un franc « abrazo » ou « hug », et au quotidien ils pénètrent plus dans l’espace intime ou bien ils n’hésitent pas à poser beaucoup de questions personnelles. Cela peut être jugé envahissant pour un Français mais c’est une marque de respect au Mexique : la personne s’intéresse à vous. Ne connaissant pas ces aspects culturels à mon arrivée, j’avais tendance à être perçue comme distante et donc dans les yeux des Mexicains, très Française.

Autre détail : le joueur de foot français André-Pierre Gignac joue dans l’équipe locale des Tigres et est une véritable star à Monterrey. Inévitablement, où que j’aille, on me parlait de lui : « Ah, tu es Française ! Comme Gignac ! » La passion pour le joueur est telle que certains parents ont appelé leur enfant « Gignac » : curieux lorsque l’on sait que c’est un nom de famille et non un prénom.

(Crédit photo: Info 7)

Enfin, les Mexicains venaient invariablement à me parler de baguette, tour Eiffel, bicyclette, marinière et béret : si si, je vous assure que c’est vrai.

Dès mon arrivée, je portais donc une étiquette très claire : celle de la Française. Dans le regard des Mexicains que je rencontrais, l’image de la gauloise m’était toujours renvoyée : quel étrange miroir pour moi qui jusqu’alors ne m’étais jamais sentie appartenir pleinement à mon pays. C’était parfois drôle, mais au fil du temps j’ai commencé à éprouver une forme d’agacement, en particulier lorsque je recevais ce type de commentaires : « Vous les Français vous avez de la chance. Vous êtes fainéants : vous avez 5 semaines de congés par an et plein de jours fériés » ; ou bien : « Vous les Français vous râlez tout le temps : toujours en train de manifester, jamais contents ». A cette époque je préférais ne pas réagir et j’avoue que je tendais plus à vouloir gommer cette image de Française car je faisais tout pour m’intégrer.

* Prise de conscience de mon identité française

Par la suite, les choses ont commencé à évoluer. Passé mon apparence physique, mon accent et les stéréotypes en tout genre qu’on me renvoyait, j’ai pris peu à peu conscience des profondes différences culturelles entre la France et le Mexique. Horaires des repas, nourriture, modes d’interaction avec les autres, condition de la femme, classes sociales, salaires, coutumes, traditions…tout était différent d’une part, mais surtout, je me suis sentie différente d’autre part. J’ai enfin commencé à me sentir Française, du fait de ma distinction avec tout ce qui m’entourait. Je mesurais mon éloignement d’un point de vue culturel bien-sûr, mais je le percevais encore plus en terme politique et social.

J’ai réalisé que bien que fort critiquée par ses citoyens, la France est un pays qui offre de nombreux avantages en termes sociaux et médicaux. En effet, la France bénéficie de dispositifs rarement présents dans d’autres pays tels que les allocations familiales, les congés parentaux, la sécurité sociale, le système de retraites. En tant qu’expatriée non-mutée par une entreprise française mais en contrat local, je n’ai pas accès à ces dispositifs, mais ils s’appliquent aux Français résidant en France et c’est une véritable opportunité. En outre, la France bénéficie de bonnes infrastructures : on aura beau dire ce qu’on voudra, la qualité des routes y est bonne et les constructions sont de haute qualité malgré ce que je peux entendre de la part de certains de mes compatriotes.

De plus, la France est un Etat où l’on se bat pour ses droits, où l’on manifeste et surtout où les citoyens, quoiqu’ils en disent ont des moyens pour faire entendre leur voix. Au Mexique, la corruption au niveau gouvernemental est tellement forte que si quelqu’un essaie de s’opposer, on le fera probablement disparaître…Sombre mais vrai. Le système d’éducation est très faible et aucun investissement n’est réalisé pour l’améliorer : en effet, le gouvernement ne voit aucun intérêt à éduquer ses citoyens car ils pourraient alors réagir. Il est plus commode d’avoir des individus soumis, ne disposant pas de la capacité réflexive suffisante pour se révolter.

Autre point : les vacances. La France accorde beaucoup de congés certes : 5 semaines dans le secteur privé contre 6 jours au Mexique. Je me suis rendu compte que c’est une chance mais j’ai aussi pris le temps d’analyser comment fonctionnent les choses au Mexique. Lors de mon expérience en entreprise et après divers échanges avec des Mexicains, je me suis aperçue que les journées de travail au Mexique sont bien différentes de celles françaises. Ce que je vais dire s’applique à un contexte de travail en bureau (et non en usine) mais les employés ont tendance à prendre beaucoup de pauses : petit-déjeuner, déjeuner, goûter…Ils discutent beaucoup avec leurs collègues aussi lorsqu’en France on est je pense plus productifs. Désormais, lorsque l’on me fait des commentaires sur la fainéantise des Français, je sais quoi répondre. Il en va de même quand on me parle des Français qui râlent tout le temps. Je souligne alors le fait que si la France dispose de tant d’avantages sociaux c’est parce-que les citoyens se battent pour cela. Rien n’arrive sans rien.

* La fierté d’être Française

De l’absence d’un sentiment d’appartenance à mon pays, au désir de vouloir gommer cette étiquette française, j’ai finalement développé un sentiment de fierté par rapport à la France. Vivre à l’étranger m’a peu à peu mené à prendre conscience des valeurs qui font la France, à me sentir enfin pleinement Française et plus que ça : à en éprouver un réel plaisir.

J’ai toujours aimé voyager et je suis convaincue que vivre à l’étranger est une formidable expérience, pleine de richesse. Il y a de la beauté à parcourir le monde, à se confronter à d’autres modes de vie, à être curieux et aventureux, à vouloir apprendre des autres, à sortir de sa zone de confort. Mais je pense qu’il est aussi important de se souvenir d’où l’on vient et de ce qui constitue notre identité profonde. A cet égard, on peut parfaitement s’intégrer dans un pays sans pour autant renier ses origines, chose que j’admets avoir eu du mal à assimiler au début. J’ai pris conscience que je viens d’un pays très divers où les droits des citoyens sont bien plus protégés que dans d’autres parties du monde, et que même si tout n’est pas parfait et qu’on pourra toujours mieux faire (mais quel pays est parfait ??? Dites-le-moi et j’y cours !), la France est loin d’avoir à se plaindre et c’est formidable.

En outre, la France dispose d’une incroyable géographie. Cela peut sembler peut-être mineur dit ainsi mais c’est en appréciant la géographie mexicaine que j’ai réalisé que la France est également un très beau pays. Je pense que ce sentiment est aussi dû au fait que je suis mariée avec un Mexicain, qu’il me fait découvrir son pays depuis deux ans et demi maintenant, et que j’éprouve à mon tour le désir de lui faire connaître le mien. Si l’on y regarde bien, la France est très diverse : l’architecture presque flamande dans le nord, les falaises d’Etretat et l’île de Jersey en Normandie qui rappellent tant les côtes anglaises, les plages sauvages de Bretagne, la Vendée avec ses champs et sa brioche, les châteaux dans la Loire, le pays basque dans les Pyrénées, la Provence, sa Camargue, sa garigue et sa lavande, la chaîne des Alpes, la région de Champagne et tellement d’autres encore. La France c’est la campagne, la mer et la montagne réunies. La France c’est une palette gastronomique incommensurable. Enfin la France, c’est un immense puit de culture, d’Histoire, d’art, de littérature. C’est un patrimoine riche qui mérite d’être exploré afin de pleinement comprendre la culture française.

J’ai mis un certain temps à mesurer à quel point, oui, je suis Française. Au fond, je n’aurais sûrement pas assimilé cela sans partir vivre à l’étranger. Aujourd’hui, je me suis adaptée aux coutumes mexicaines, je parle deux langues étrangères, mais au fond de moi, je suis 100% Française et j’en suis fière. Prochaine étape ? Organiser un road-trip en France avec Andy !

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