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Yann Tiersen, tu m'as déçu


Samedi dernier, Yann Tiersen, celui que nous connaissons tous comme le compositeur de la bande originale du Fabuleux destin d’Amélie Poulain, était en concert dans une petite salle de Monterrey. C’est la première fois qu’il exécutait une tournée au Mexique et il était fort attendu : le succès d’Amélie s’est étendu bien au-delà des frontières françaises et toutes les personnes qui apprennent le français à Monterrey connaissent Amélie. Andy avait ainsi acheté des tickets pour me faire plaisir mais surtout parce-que lui aussi est un inconditionnel de Yann Tiersen que nous écoutons souvent à la maison, et que nous ne pouvons réduire aux seules compositions d’Amélie, même si elles sont sans conteste incroyablement belles. Samedi, nous nous sommes donc fait une joie de nous rendre au concert. Pour ma part, j’avais l’impression que c’était comme un petit bout de France qui venait à moi, une parenthèses musicale qui me permettrait durant un instant de me sentir chez moi.

Alors que nous prenons nos places, je repère quelques français mais essentiellement des mexicains, pour la plupart relativement jeunes. Beaucoup ont un look un peu hipster et je les suspecte de faire des études d’art ou de design et de traîner dans le Barrio Antiguo, le quartier ancien du centre de Monterrey où l’on trouve des musées ainsi que quelques bars et antiquaires. J’adore ! La scène est minimaliste : un piano, un violon, un xylophone, un reproducteur de bandes audio à l’ancienne et quelques ampoules. Parfait. C’est du Yann Tiersen tout craché, simple, suffisant : on va pouvoir se concentrer sur la musique. Mais Yann n’arrive pas. Je regarde ma montre : il est 20h15. Bon, rien d’anormal. Les artistes sont toujours en retard, pas vrai ? On attend. 20h30 : Yann n’est toujours pas là. Je commence à trouver le temps long, Andy aussi. Il fait finalement son apparition cinq minutes plus tard : il est alors 20h35. Ça commence !

Il joue certaines compositions dont je ne connais pas le nom mais que j’ai déjà écouté et que j’aime. Puis il joue d’autres morceaux qui me sont totalement inconnus mais c’est superbe et je suis à fond. Les 35 minutes d’attente sont déjà oubliées. A certains moments, il abandonne son piano pour le violon ou le xylophone. En fait, il fait toutes les parties musicales d’un même morceau en alternant les instruments. Il est littéralement seul et il est excellent. Puis brusquement, il s’en va ! Le public commence à faire du bruit, taper des pieds, taper des mains et lui demande de revenir (je fais de même). Au bout de cinq minutes, il revient et se met à jouer un autre morceau. Mais à nouveau il s’en va ! Il est alors 21h40 : il a donc joué environ une heure. Je me dis que ce doit être l’entracte mais au fond j’ai un drôle de pressentiment et je ne suis pas si sûre de moi. Certaines personnes ont quitté la salle mais elles sont juste en train de prendre l’air : elles comptent revenir, elles sont persuadées que c’est l’entracte. Yann n’ayant joué aucune chanson d’Amélie, beaucoup se disent qu’il a gardé le meilleur pour la fin. Quel artiste ne joue pas ses classiques ? Mais Yann ne revient pas. D’ailleurs, les assistants sont déjà en train de retirer le matériel de la scène. J’entends des murmures de toutes parts, c’est l’incompréhension. Sur le billet c’est écrit « 20h-22h30 », mais Yann n’a joué qu’une heure ! C’est alors le mécontentement qui succède à l’incompréhension. Les gens sont déçus, Andy est déçu et moi aussi.

Yann n’a même pas salué. On a dû entendre cinq ou six « gracias » lors des applaudissements à a fin des morceaux et…c’est tout. Quand je dis qu’il n’a pas salué, il a juste quitté la scène en faisant un vague signe de la main. Yann nous a servi le stéréotype français du type un peu grossier à l’attitude nonchalante et qui se sent au-dessus de tout. Je suis sans voix. Andy discute avec un assistant technique. Celui-ci se sent un peu honteux alors que ce n’est franchement pas à lui de l’être. Il dit que c’était pareil lors du concert que Yann a donné à Mexico. Tout le monde a été déçu. Je cherche dans ma mémoire un élément de comparaison. Je pense soudainement au concert de Ludovico Einaudi que j’ai vu au Grand Rex à Paris avec Andy il y a deux ans. Une prestation incroyable, magique, et l’impression de faire face à un grand homme qui avait préparé quelques mots en français pour son public et qui les prononçait avec son accent italien chantant. Et là je me dis que Yann, il se fout quand même pas mal du monde. A 67€ le ticket (ce qui est franchement cher pour le Mexique), j’aurais mieux fait de me faire une soirée au resto, ou mieux, de rester à la maison et de me brancher sur Spotify. Ce qui me choque le plus, c’est son attitude. Pourquoi n’a-t-il pas salué et remercié son public ? C’est la première fois qu’il se produit au Mexique et il n’a aucun respect. J’entends quelques mexicains rirent jaune des français…Et voilà, je comprends pourquoi les français traînent ces stéréotypes négatifs et visiblement pas si usés que ça. C’est parce-qu’il y a des Yann pour les véhiculer.

Alors qu’on marche vers la voiture (enfin que je boîte car le test de mettre une tennis normale à six semaines de l’opération est un véritable échec) Andy et moi sommes « speachless ». Je suis dépitée et même un peu triste, il est en colère. Cela fait plusieurs mois qu’on attend ce jour et qu’on se réjouit. Cela fait plusieurs mois que j’attendais ce petit bout de France. Mais Yann ne ruinera pas notre soirée. Sur le chemin du retour, on s’arrête à la Vinoteca (l’équivalent de notre Nicolas en France mais ouvert jusqu’à 23h le samedi) et on s’achète une bonne bouteille de Gamay avec un plateau de fromages et charcuteries. Bon, je n’irais pas à dire que le plateau vaut nos victuailles françaises mais ça fait comme si et ça me réconforte. Arrivés à la maison, on peste encore un peu contre Yann puis on ouvre finalement la bouteille. Avec un verre de rouge (et de Bourgogne !) tout rentre dans l’ordre.

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