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L’expatriation, source de projets.


Je suis arrivée à Paris il y a deux semaines et vous êtes quelques-uns à m’avoir interrogé sur l’objet de ma visite dans la mesure où je suis arrivée bien avant noël. La réponse à cette question est simple : outre le fait que j’ai besoin de voir mes proches, je dois présenter des examens universitaires de fin de semestre. Mais peut-être est-il nécessaire que je rembobine la bande « études » ?

Les études et moi, c’est une longue histoire…En fait, j’aime étudier, j’aime apprendre plein de choses et si possible plein de choses en même temps portant sur plein de thèmes différents. Je me suis cherchée pendant un certain temps après mon bac L et il m’a fallu des années pour comprendre que je ne suis pas faite pour une chose en particulier. Je n’ai jamais su dire ce que je voulais faire dans la vie, non pas parce-que je n’avais pas d’idée mais parce-que j’avais trop d’idées. Chaque jour je voulais embrasser un métier différent. Lorsque mon entourage y voyait un signe d’inconstance, la vérité est que je voulais tout faire, littéralement. Je pouvais aussi bien répondre que je voulais être psychologue que professeur de biologie, écrivaine, chroniqueuse, infirmière, historienne de l’art, orthophoniste, photographe, éditrice, guide, conservatrice du patrimoine, journaliste, chercheuse...la liste est longue ! Seules les disciplines mathématiques et physiques ne m’attiraient pas et échappaient à mon entendement.

C’est ainsi qu’après le bac, j’ai commencé à « vagabonder » puis à m’inquiéter sérieusement sur ce que j’allais faire de ma vie. J’ai abandonné la classe préparatoire de lettres (la fameuse hypokhâgne) que je trouvais trop théorique et rébarbative, pas assez en prise avec la vie réelle et trop élitiste, puis je me suis dirigée vers une licence d’arts-plastiques, l’usine à chômage selon beaucoup dans mon entourage. Je ne m’y suis pas suffisamment battue puis j’ai finalement été admise en école d’infirmières où je suis sortie diplômée trois ans et demi plus tard. Fin de l’histoire ? D’une certaine manière oui…pendant un temps. Très tôt j’avais voulu abandonner la formation, à nouveau, mais je me devais d’achever quelque chose. J’ai donc terminé mes études tout en sachant pertinemment que je ne voulais pas exercer à l’hôpital et que très vite je serai gagnée par l’ennui dans ma vie professionnelle. C’était trop spécifique, pas assez « ouvert » et je n’étais pas en accord avec les conditions de travail et la façon d’appréhender le soin.

Je me suis professionnalisée en soins intensifs et finalement, suite à l’obtention de mon diplôme d’infirmière, j’ai travaillé pendant un temps, notamment comme directrice adjointe de crèche en région parisienne. J’étais passionnée par le développement de l’enfant et pouvoir en accompagner une poignée durant leurs premières années de vie fut d’une extrême richesse. En parallèle de mon travail infirmier à dominante sanitaire, j’avais des tâches managériales liées au fonctionnement de la crèche et épaulée de ma directrice qui était éducatrice de jeunes enfants, je me suis mise à lire un certain nombre de livres sur le développement de l’enfant : Donald Winnicott, Mélanie Klein, Françoise Dolto…J’ai beaucoup appris.

Puis un jour, l’univers de la crèche ne m’a plus suffi. Je voulais plus. Plus de connaissances, plus d’ouverture, plus de compréhension du monde et de notre société. Alors que je me voyais proposer un poste de directrice je suis finalement partie afin de me réinvestir dans des études. Ce fut au début un échec car je ne m’étais pas tournée vers la bonne institution mais j’ai finalement rebondi en présentant le concours d’une école de commerce. Et c’est en définitive mon master en commerce international qui me mena au Mexique…Bien que je fus en difficulté en finance et en statistiques, je me passionnai pour le marketing, discipline à la croisée de multiples champs, de l’anthropologie à la sociologie en passant par la psychologie, et qui détail qui n’est pas des moindres, requiert aussi une certaine créativité. Paradoxalement, j'y ressentais aussi parfois un certain vide.

Par la suite, bien que je me sois diplômée, vous savez si vous lisez le blog que trouver du travail au Mexique et en particulier à Monterrey, peut se révéler délicat. C’est dans ce contexte si particulier de l’expatriation que je suis revenue à l’écriture, au travers du blog d’une part, mais aussi avec l’achèvement d’un premier roman d’autre part. Alors que je suis à la recherche d’un éditeur et alors que l’écriture est une véritable passion, entreprendre une Licence d’Humanités a fait sens pour moi et c’est pour présenter les examens du semestre que je suis venue à Paris.

Les Humanités regroupent différentes disciplines telles que l’Histoire, la philosophie, la littérature, le latin et les langues vivantes. C’est très proche de ce qui est enseigné en classe préparatoire de Lettres mais sûrement moins élitiste. J’étudie à distance et je dois me déplacer pour présenter les examens, l’université ne proposant pas de modalités de contrôle à l’étranger. Si j’ai décidé de me déplacer deux fois pour cette année scolaire (pour le premier et le second semestre), j’envisage cependant de présenter tous les examens de la deuxième année lors de la session de rattrapage en juin. Cela signifie présenter une vingtaine d’examens d’un coup, ce qui semble ambitieux, mais dans le même temps, je ne peux pas non plus me permettre de trop voyager entre le Mexique et la France d’un point de vue financier.

Je sais qu’aux yeux de beaucoup (les sceptiques comme je les appelle) je suis une énigme. Comment passe-t-on de disciplines dites « littéraires » aux soins infirmiers ? Comment passe-t-on des soins infirmiers aux études de commerce et aux langues étrangères ? Et comment en vient-on aux Humanités ? J’y ai réfléchi et je réponds par une autre question : pourquoi cela est-il surprenant ? Pourquoi ne pourrait-on pas embrasser une multitude de savoirs ? Tout ce que j’ai appris, dans quelque discipline que ce soit, m’est utile dans d’autres domaines. Je transfère constamment mes connaissances et les applique à d’autres objets. Tout est lié. Pourquoi mettre les gens dans des cases et tomber si facilement dans le déterminisme ? Pourquoi vouloir nous coller des étiquettes ? D’aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours autant aimé la littérature que la biologie, à part égale. Contrainte de choisir une filière au lycée, je me suis engagée en L sachant pertinemment que je ne serais pas la hauteur en maths et en physique en filière S, mais au regret de ne presque plus avoir de SVT. De la même manière que je voulais faire des sciences économiques et sociales…En définitive, où était ma place ?

Peut-être suis-je désormais en train d’opérer un « retour aux sources » dans la mesure où je « reviens » à des disciplines « littéraires » avec mes études d’Humanités ? Peut-être me suis-je complètement plantée et aurais-je dû rester en classe préparatoire ? Au fond, je ne pense pas…J’ai appris d’autres choses, j’ai eu d’autres expériences. Après le lycée, j’ai ressenti un vrai besoin de pratique et de concret, or c’est ce que m’ont apporté mes études d’infirmière. Bien que parfois difficile, ce fut pour moi une véritable école de la vie. Cela m’a construit et surtout, cela m’a fait énormément grandir. De plus, je ne regrette en rien mes études de commerce, au contraire. Elles m’ont permis de mieux comprendre ce qui nous entoure ainsi que les mécanismes qui sous-tendent la mondialisation et notre société largement libérale En outre, je suis désormais trilingue. Chaque pas sur le chemin de la vie a un sens, même si l'on n'en est pas forcément conscient sur le moment.

Ma soif de connaissances ne tarit jamais, mon désir de savoir est total. Il est certain que revenir aux études alors que je vis au Mexique n’est pas le plus simple d’un point de vue logistique mais mes plus fidèles lecteurs savent ce par quoi je suis passée, combien j’ai « bataillé » pour trouver un job stable et comment j’ai finalement lâché prise pour me consacrer à l’écriture. Tout ce que j’ai entrepris au Mexique, qu’il s’agisse de la course à pied et de mon premier marathon ou du blog et de l’écriture d’un premier roman, participent de mon besoin de continuer à me sentir exister. J’avais et j’ai besoin de me lever avec un but le matin et de nouveaux challenges à relever. C’est dans ce contexte que s’inscrivent les Humanités. Il n’y a pas de logique professionnelle derrière ce projet, du moins pas pour le moment. Il s’agit de quelque chose que je fais pour moi parce-que je le veux et qui me permet de me reconnecter avec la culture française et donc d’une certaine manière avec une partie de moi, de ce qui fait mon identité. Quand on vit à l’étranger on vit des expériences riches et inédites, on absorbe une autre culture où tout ce qui est à apprendre au début devient peu à peu familier. On s’adapte. Mais je suis forcée de noter que mes études me plaisent car elles me donnent le sentiment de me rapprocher d’une part de moi-même que j’avais peut-être un peu « perdu » au Mexique.

Je ne sais pas de quoi sera fait demain et en règle générale, j’évite désormais de trop planifier le futur car l’expérience m’a appris que bien souvent, les choses ne se passent pas selon le plan envisagé. Je sais que je ne vivrais pas éternellement au Mexique mais je ne peux néanmoins être sûre de comment les choses se dessineront de façon précise. J’essaie donc de vivre pleinement le moment présent, de faire les choses du mieux que je peux et de mener à bien mes projets dans ma vie si particulière d’expatriée qui amène parfois à se réinventer.

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