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Gratin de courgettes et vin blanc / L’expatriation : une histoire de solitude.


Nous sommes vendredi soir et je suis seule à l’appart. Je préfère toujours dire l’ « appart » à « maison » car je ne m’y sens toujours pas chez moi bien qu’Andy et moi y ayons emménagé il y a presque un an.


Il y a deux jours, Andy m’a annoncé qu’il comptait sortir avec des amis le vendredi : soirée « entre mecs ». Sur le moment j’ai d’abord pensé : « Mince, j’avais prévu de faire le gratin de courgettes ce soir-là ». C’est après coup que j’ai songé que je serais seule, encore.


Cette soirée sans Andy aurait pu être pour moi l’occasion de me faire une soirée de « mon » côté, avec « mes » amis. Le truc c’est que…mes amis à moi, ceux que j’ai envie de voir, sont à 9 184 km soit 14h45 de vol, de l’autre côté de l’Atlantique.


En fait, cet article, c’est une histoire d’expatriation (une autre !), de courgettes et de vin blanc.


Nous sommes vendredi et j’ai finalement fait mon gratin. Je l’ai fait rien que pour moi et j’en garde encore le goût dans la bouche. Le fait est que nous ne serons pas à l’appart ce week-end et qu’après les courgettes n’auraient plus été bonnes. Et puis disons-le franchement, j’en avais diablement envie de ce gratin de courgettes ! Même si au fond j’aurais aimé le partager…


Alors que j’écris je sirote un verre de vin blanc. Par envie ? Par…besoin… ? Je penche plus pour cette dernière option même si, je le reconnais, c’est assez pathétique. Je n’ai pas le moral. Je n’ai pourtant pas de quoi m’ennuyer. Le travail en retard s’accumule…mais comme je travaille essentiellement de la maison je ne décroche jamais…et je me tape accessoirement les tâches ménagères en prime.


Je pense à Andy et…oserais-je l’avouer ? Je suis jalouse. En fait, il y a deux aspects qui me gênent. Le premier est le concept de soirée « entre mecs ». En fervente protagoniste de la lutte pour l’égalité entre les genres je n’aime pas l’idée de séparer…les genres. Ainsi je n’aime pas le concept de soirées « entre filles » non plus. Ce n’est donc pas qu’Andy sorte sans moi qui me pose un problème, ça je m’en fiche. Non ce qui me gêne c’est que je sois exclue parce-que je suis une femme. Lorsque je me réunis avec des amis, j’aime que ce soit des hommes et des femmes, et s’il est arrivé qu’il n’y ai que des femmes, ce fût un pur hasard. Il ne me serait jamais venu à l’idée d’y refuser la présence d’un homme. Et puis, entre nous, j’ai toujours détesté les soirées de « filles ». Sans savoir vraiment pourquoi, je ne m’y suis jamais sentie à l’aise, je n’y ai jamais trouvé ma place et ça me donnait le sentiment de devoir jouer une comédie, jouer à être quelqu’un que je ne suis pas, juste pour faire semblant d’adhérer au « mood » ambiant. En définitive, j’ai toujours plus apprécié les soirées « mixtes » et être seule en présence d’hommes ne m’a par ailleurs jamais dérangé.


Un ami d’Andy m’a dit un jour : « Le problème, c’est que s’il y a des filles, on ne peut pas parler ouvertement ». Ledit ami se référait aux blagues graveleuses, celles à connotation sexuelle. Etant bon, et même très bon public, j’avoue mon crime : j’aime bien ces blagues ! Je serais même la première à en faire. Devrais-je me contenir d’en faire parce-que je suis une femme et que c’est ce n’est pas ce que l’on attend d’une femme dans la société ? Si je résume, je n’ai non seulement pas le droit de faire ce genre de blagues et c’est parce-que je n’en fais pas (ou plus précisément parce-que la société n’attend pas de moi que j’en fasse) que je suis exclue ?


Il y a bien-sûr là un aspect culturel. Au Mexique, les genres sont bien plus clivés qu’en Europe : j’en parlais dans l’article Être une femme en France et au Mexique. N’empêche, Européenne ou pas, d’ici ou de là-bas, ça me pèse.


Le second aspect qui me dérange, et c’est au fond sûrement le plus douloureux, c’est que des soirées entre amis, je n’y ai pas accès. Je ne peux avoir de tels moments. N’ai-je pas des amis au Mexique ? Je ne manque pas de connaissances mais je ne me sens pas assez proche pour les considérer comme des amis, ou tout du moins des personnes à qui j’oserais me confier. Du reste, beaucoup sont des amis communs avec Andy qu’il m’a présenté quand je me suis installée avec lui au Mexique.


Ce à quoi je me réfère est différent, plus intime. Je ne peux pas téléphoner là, maintenant, à des amis ou prendre un café avec eux demain. Je ne peux pas donnez rendez-vous à l’une de mes sœurs pour une expo. Quand il est 22h au Mexique et que j’ai un « coup de mou », je n’ai personne à qui parler.


Ce soir je suis seule à la maison et c’est dur. J’ai cuisiné un gratin de courgettes et c’était comme un petit bout de France dans l’assiette. J’aurais bien invité ma meilleure amie à me rejoindre à l’appart pour terminer cette bouteille de vin blanc. Mais elle est en France et vu l’heure qu’il est, avec le décalage horaire, elle doit probablement dormir.


En réalité, l’expatriation c’est aussi ça. C’est parfois de grands moments de solitude sans personne avec qui pouvoir parler. C’est de coup de blues et de spleen. C’est de la nostalgie et du vague à l’âme. Et si j’écris cet article c’est en toute lucidité. Je ne cherche pas à susciter de réaction particulière chez mon lecteur, si ce n’est faire preuve d’authenticité comme je le fais depuis un an sur le blog. Je cherche juste à montrer une autre facette de l’expatriation, celle pas toute rose, celle dont on parle peu, celle que l’on préfère ne pas montrer car elle ne suscite ni le rêve ni la magie.


Ce soir, le blanc, je le boirais seule. Ce soir, c’est juste un gratin de courgettes et moi. Mais demain ? Ce sera plein de nouvelles choses…L'expatriation est toujours pleine de surprises.

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