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Entreprendre au Mexique


Je n’ai pas publié le montly post du mois de novembre. Pire encore, je n’ai publié aucun article sur le blog le mois dernier. Je comptais partager un portrait d’expat mais je n’ai pas eu les photos à temps, puis j’ai été accaparée par l’entreprise que je suis en train de démarrer au Mexique. Je me suis donc dit que plutôt que de publier une chronique mensuelle en retard, autant écrire un article sur l’aventure de l'entrepreneuriat au Mexique. J’ai repassé les photos prises au mois de novembre avec mon téléphone et elles sont presque toutes en lien avec mon projet, à l’exception de quelques dîners entre amis.


Ne sachant pas trop comment aborder le sujet, je me propose ici de partager mon expérience sous forme de questions relatives à l’entrepreneuriat en général et à mon expérience en particulier.


L’entreprenariat c’est quoi ?


La définition de l’entrepreneuriat à laquelle je me réfère est celle du Professeur Howard Stevenson de la Harvard Business School, considéré comme le « godfather » de l’ « entrepreneurship ». Selon lui, l’entrepreneuriat est la « poursuite d’une opportunité au-delà des ressources sous notre contrôle ». Cela signifie que l’entrepreneur identifie une opportunité mais que les ressources requises pour faire de cette opportunité une réalité sont manquantes : sa mission va donc être de les réunir. Cela signifie aussi que tout ne dépend pas de lui. Beaucoup de variables entrent en compte : l’environnement, le contexte économique, la disposition des clients potentiels à répondre à son offre, etc…


Pourquoi entreprendre ?


Il existe des milliers de raisons pour entreprendre qui varient en fonction des situations de chacun. À titre d’exemples, on peut citer le désir d’indépendance, une passion pour un projet auquel on croit, des avantages financiers à long terme (bien qu’il soit difficile de savoir si ça marchera vraiment), une idée que l’on veut concrétiser, un désir d’innover, le goût du challenge, la recherche d’une plus grande liberté…


Entreprendre au Mexique, est-ce différent d’entreprendre en France ?


C’est une question à laquelle je peux difficilement répondre n’ayant jamais entrepris en France. Je n’ai pas de point de comparaison directe.


Néanmoins, après avoir échangé avec différents entrepreneurs et d’après ce que je sais, entreprendre en France me semble plus délicat en termes administratifs. J’ai le sentiment qu’au Mexique, les démarches sont simplifiées. À cet égard, je perçois que les Mexicains sont plus disposés à entreprendre que les Français, ils sont plus prêts à prendre des risques. J’ai au contraire le sentiment qu’en France le schéma traditionnel avec un statut d’employé est plus répandu et plus valorisé.


On peut élaborer des milliers d’hypothèses sur les raisons qui expliquent cet état de fait mais je dirais qu’au Mexique, le statut d’employé n’est pas très enviable. À moins d’occuper des postes de haute direction, les salaires sont relativement bas et le volume horaire de travail conséquent. Dans ce cas, beaucoup préfèrent avoir leur propre business : ils travaillent peut-être encore plus que comme employé mais ce qu’ils font a plus de sens à leurs yeux.


Est-ce-que tout le monde peut entreprendre ?


Honnêtement non, je ne crois pas. Si entreprendre implique une certaine liberté, cela induit néanmoins de prendre des risques. Aussi bonnes que soient notre étude de marché ainsi que notre analyse de l’environnement et aussi forte que soit notre conviction, le risque zéro n’existe pas. Entreprendre peut donc générer du doute, du stress, de l’anxiété et c’est tout un art de savoir résister à ces ondes négatives. Être conscient du risque est nécessaire. Se laisser « inonder » par la conscience de ce risque est inefficace.


Dans mon cas précis, je sais que de l’argent a été investi et qu’il m’appartient donc de le rentabiliser. Je sais aussi que les premiers mois sont difficiles pour acquérir des clients et donc que les choses n’avancent peut-être pas au rythme que j’aimerais. Mais je sais aussi que je ne peux pas me permettre de ne penser qu’à ça car ce n’est pas productif. Au contraire, je dois me concentrer sur le comment et agir. Comment faire pour gagner de la visibilité et ainsi acquérir de nouveaux clients ? Point.


À cet égard, je crois en toute honnêteté que mon expérience passée d’infirmière est un atout : quand on a vécu de « vraies » situations d’urgence, avec la vie de personnes en danger, on apprend à prendre du recul et à relativiser. Chaque fois que le stress guette je me dis : « Il n’y a pas mort d’homme ! »


Mais qu’est-ce-que j’entreprends au juste ?


Mon entreprise s’appelle Sauvage – La novia libre. Il s’agit d’un showroom de robes de mariée où je propose exclusivement des robes de stylistes français ET fabriquées en France dans un style léger et aérien. Au Mexique, les robes de mariée sont traditionnellement assez lourdes, volumineuses, avec beaucoup de brillants, etc…Je propose donc quelque chose de différent, qui rompt avec les codes traditionnels.


« Sauvage », que l’on pourrait traduire par « salvaje » en espagnol, est délibérément écrit en français : l’idée dès le début était de souligner notre identité bien française. « La novia libre » indique au public qu’il s’agit de robes de mariée (« la novia ») mais légères et aériennes (« libre »). La marque met l’accent sur la liberté de mouvement et l’élégance naturelle. Pour le moment je n’ai qu’un fournisseur mais l’objectif est d’en acquérir environ trois autres de manière à pouvoir proposer plus de choix aux mariées.


Les robes que je possède au showroom sont des modèles uniquement destinés aux essayages : quand la cliente a fait son choix, je prends ses mesures et je vois à quelle taille elle correspond chez le fournisseur de manière à commander la robe pour elle. Enfin, lorsque la robe arrive au showroom, une couturière m’aide à effectuer les dernières retouches.


En ce qui concerne le logo, le vert était un choix naturel car c’est une couleur qui évoque la nature. Sauvage est une référence à la forêt, à la plante qui pousse librement, aux animaux dans leur environnement naturel, à ce qui échappe au contrôle mais aussi au mouvement artistique moderne des « Sauvages » caractérisé par un emploi vif de la couleur.


L’environnement de la marque se caractérise par la nature, une atmosphère à la fois vintage et boho, des femmes à la personnalité forte et libres, qui envoient valser les codes, qui se peignent les lèvres en rouge et qui écoutent du rock.


Enfin, le service au moment des essayages est central : thé, café, macarons et chocolats sont proposés, le champagne est ouvert quand la mariée « says yes to the dress », etc…


Faut-il nécessairement innover pour entreprendre ?


Tout dépend du lieu où l’on souhaite entreprendre. S’il existe déjà des concurrents qui proposent les même produits ou mêmes services que l’on souhaite offrir dans la zone où on compte s’installer, alors le besoin d’innover est crucial. Il est impératif dans ce cas de savoir se différentier des autres, d’avoir une valeur ajoutée. Je prends l’exemple d’un salon de beauté : s’il y a déjà plusieurs salons de beauté concentrés dans une même zone géographique, il va falloir que le nouveau salon propose quelque chose que les autres n’ont pas : un soin inédit, des produits différents, un concept original…


Si je prends mon propre exemple : il y a déjà beaucoup de magasins de robes de mariée à San Pedro mais je propose des robes au style unique, différent. Je n’innove pas dans mon business model (c’est un showroom qui propose différentes marques) mais j’innove par l’originalité du style et des designers que je mets en avant.


Quand ai-je démarré le projet ?


L’idée a commencé à germer dans mon esprit en 2016, quand je me suis installée au Mexique et que je cherchais ma robe de mariée. Tout ce que je voyais me paraissait lourd et « exagéré ». Je ne trouvais pas de robes suffisamment légères et raffinées à mes yeux. J’ai donc finalement acheté mes robes (je me suis mariée civilement au Mexique et religieusement en France) à Paris et j’ai immédiatement souhaité partager la vision d’une mariée « libre » au Mexique, l’idée qu’une mariée peut se sentir à l’aise sans sacrifier son élégance et que la beauté est parfois dans la simplicité.


En revanche, je n’ai commencé à travailler concrètement sur le projet qu’en juin de cette année, soit il y a six mois. Pourquoi avoir tant attendu ? Je crois qu’il me fallait acquérir plus de maturité vis-à-vis de mon expatriation, une meilleure connaissance de l’endroit où je vis et surtout des fonds !


Quelles ont été les différentes étapes ?


Après le grand brainstorming il y a l’étude de marché et l’élaboration du business plan, c’est-à-dire comment va fonctionner l’entreprise, quel va être son modus operandi, quelles vont être ses sources de revenus, etc…L’étude de marché consiste bien-sûr à vérifier localement (ou tout du moins dans la zone géographique dans laquelle on souhaite se développer) qu’il y a bien des clients potentiels et à identifier les possibles concurrents. Je ne rentre pas ici dans les détails, ce sera pour un prochain article.


Lorsque l’on est décidé, il y a en vrac : l’élaboration de l’image de la marque, du logo, la prise de contact et la négociation avec les fournisseurs (cela implique de les avoir déjà identifié auparavant), la recherche d’un lieu (si on n’en possède déjà pas un) ainsi que son aménagement, le dépôt de sa marque, les démarches avec un comptable, etc…


Au Mexique, le dépôt de marque se fait auprès de l’IMPI (l’Institut Mexicain de la Propriété Intellectuelle). Enfin pour ma part, le comptable m’a aidé à obtenir le permis d’importation textile ainsi qu’à actualiser mon statut auprès du SAT (équivalent du Trésor public au Mexique) : j’étais déjà enregistrée comme indépendante (persona física con actividad empresarial) mais il était nécessaire de redéfinir mes missions en inscrivant la commercialisation de robes et d’accessoires de mariée.


Ensuite, lorsque l’on est enfin prêt, c’est-à-dire qu’on a un lieu où recevoir ses clients et que l’on a bien-sûr ses produits (dans mon cas les robes pour les essayages), il est nécessaire de communiquer (c’est même nécessaire en amont), qu’on le fasse soit même ou que l’on passe par les services d’une agence de publicité. Dans la communication, j’englobe le marketing en général qui inclut la page internet, l’animation des réseaux sociaux, la publicité dans la presse locale, etc…Etant nouvelle sur le marché, j’ai jugé à cet égard pertinent de faire un événement de lancement afin de mieux se faire connaître. Tout ne s’est pas passé comme prévu mais ce sera pour un prochain article !


À ce stade, l’entreprise est lancée et il faut alors définir un nouveau plan avec différentes échéances : les trois prochains mois, le prochain semestre, la prochaine année et même où nous voyons-nous dans trois ans. Cela paraît flou et ambitieux et en même temps, savoir répondre à cette question aide à définir ses priorités à court et moyen-terme, à élaborer un plan d’actions pour parvenir à notre objectif. En ce qui me concerne, je dois donc préparer le planning (ainsi que le budget) de 2020 en pensant à où je veux être en 2023.


Quand a eu lieu le lancement officiel ?


En novembre 2019 soit environ cinq mois après les premières démarches.


Voici une timeline globale :

  • Juin 2019 : initiation des premières démarches, élaboration de l’image de marque (l’étude de marché avait été faite en amont) et prise de contact avec les fournisseurs en France.

  • Juillet 2019 : dépôt de la marque, démarches administratives auprès des impôts, demande de permis d’importation textile et première commande de robes.

  • Août 2019 : recherche et aménagement du lieu, résolution de détails logistiques, création de la page web et des réseaux sociaux.

  • Septembre 2019 : début de la communication autour de la marque.

  • Octobre 2019 : réception des premières robes.

  • Novembre 2019: lancement officiel.


Est-ce qu’entreprendre c’est tout faire et tout seul ?


Oui et non. Cela dépend de si on a un associé ou non, et si la réponse est positive, ça dépend de ce que fait exactement l’associé. Est-ce-que c’est du 50-50 ? Pas nécessairement.


Dans mon cas, mon associé (qui est aussi mon mari) est peu impliqué dans les opérations. Il est un investisseur et un conseiller, ça s’arrête là et en même temps c’est déjà beaucoup. C’est important d’avoir quelqu’un avec qui échanger ses idées, partager ses questions, ses doutes mais aussi ses petites victoires (la première vente par exemple).


Outre l’associé, il est nécessaire de savoir s’entourer des bonnes personnes, d’avoir un bon réseau, qu’il s’agisse de partenaires externes, de collaborateurs... Pour ma part, j’assume toutes les tâches de l’entreprise (marketing, communication, accueil des clientes, essayages, vente, suivi du budget, business strategy, etc…). En revanche, je suis assistée d’une couturière pour les retouches, d’un cabinet de comptabilité pour les déclarations de revenus et d’une agence d’importation qui m’accompagne dans les opérations douanières au moment de recevoir les robes au Mexique. Par ailleurs, échanger avec d’autres entrepreneurs ainsi que des personnes impliquées dans l’industrie du mariage (wedding planners, photographes, pâtissiers, traiteurs, fleuristes, maquilleurs, décorateurs…) est une véritable richesse.


Qu’est-ce-qui est le plus difficile ?


Démarrer tout simplement. Intégrer un nouveau marché où personne ne nous connaît, où personne ne sait qui l’on est. C’est d’autant plus difficile lorsque notre proposition est différente de ce à quoi les clients sont habitués. C’est aussi une force, mais cela signifie partir de zéro. Cela implique d’ « éduquer » le client à quelque chose de différent, de le sensibiliser, de savoir communiquer pourquoi on existe et quelle est notre mission.


Si j’applique cela à mon entreprise, il s’agit de savoir transmettre ce concept de « novia libre », c’est-à-dire de mariée libre de ses mouvements le jour de son mariage. C’est savoir expliquer que la beauté peut se trouver dans la simplicité (less is more) et qu’on peut être très élégante sans avoir une robe à crinoline qui enserre la taille et un maquillage surchargé. La mission de Sauvage – La novia libre c’est en quelque sorte de libérer la mariée, de la pousser à oser être elle-même le jour de son mariage.


Cela paraît peut-être évident en France mais ça ne l’est pas au Mexique où les femmes sont habituées à rechercher le « spectaculaire », ce qui se voit, où les atours sont poussés à l’extrême et où elles sont par ailleurs « éduquées » à respecter les traditions, à s’y conformer. Or dans le même temps, il y a bel et bien un marché : je rencontre des clientes qui cherchent quelque chose de différent de ce qui se fait localement, qui veulent plus de liberté. Mes clientes ce sont elles mais aussi leurs mères qui les accompagnent aux essayages. Si ces dernières ne sont pas convaincues, il est peu probable que leurs filles achèteront chez moi. L’influence de la famille, de la société, de ce qui se fait habituellement est forte.


Il y a encore beaucoup à dire sur l’entrepreneuriat. Le sujet est vaste et je n’en suis qu’aux prémices. Mais je compte écrire d’autres articles où j’aborderai les sujets suivants : pourquoi et comment monter un événement de lancement ? Pourquoi avoir un local n’est pas forcément pertinent au début ? Quelles sont les différentes dimensions qu’une marque doit intégrer ? En quoi la relation client est-elle différente au Mexique ? Qu’est-ce-qui a « cafouillé » au début de Sauvage ?


Pour les nouveaux lecteurs sur le blog, je m’excuse de ce focus sur l’entrepreneuriat. A French in Mexico est un partage d’expérience qui inclut des articles sur l’expatriation, la culture mexicaine, la vie et les voyages au Mexique : je vous laisse donc naviguer à votre guise sur le site !

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