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Etre marié avec un mexicain ne donne pas le droit à un étranger de travailler

Crédit photo: Jonathan Beiko

Bien que cela fasse près de deux ans que je me sois installée au Mexique, j’ai peu (pour ne pas dire pas) écrit d’articles sur les démarches administratives liées à l’expatriation et dans mon cas, l’immigration. J’ai bien rédigé deux posts sur les pratiques des ressources humaines au Mexique mais j’en suis restée là, sans aborder l’aspect du droit du travail lorsque l’on est étranger et c’est sûrement car j’ai été confrontée à une série d’obstacles sur lesquels j’ai eu du mal à prendre du recul. Voici le récit d’une (longue) histoire…

1 – Je n’ai pas trouvé d’entreprise disposée à me soutenir pour obtenir un visa de travail

Pour pouvoir travailler au Mexique, il faut ou bien être envoyé comme expatrié par son entreprise française (c’est la classique mutation), ou il faut avoir un projet d’investissement dans le pays (attention, il faut prévoir un budget pharaonique) ou il faut être invité par une entreprise locale à travailler pour elle. Toutes les entreprises n’ont pas la possibilité de le faire. Pour qu’une compagnie puisse inviter un étranger à travailler pour elle, il lui faut au préalable être enregistrée dans le répertoire de l’INM : Instituto Nacional de Migración. C’est une manière de contrôler le recrutement des étrangers car il va de soi que la priorité est donnée aux locaux. Les entreprises qui souhaitent pouvoir embaucher des étrangers doivent en référer à l’INM, remplir un certain nombre de documents en justifiant pourquoi elles ont la nécessité d’avoir recours à des étrangers (ex : compétences linguistiques particulières) et elles doivent également payer une cotisation.

Dès mon retour au Mexique pour m’installer vivre avec Andy, j’ai activement recherché un emploi et…j’ai fait chou blanc. Beaucoup d’entreprises me demandaient si j’avais le visa de travail car elles n’étaient pas disposées à m’accompagner dans ce processus. Nombre de mes candidatures sont restées sans réponse et bien que j’ai fait joué le réseau, ça n’a débouché sur rien de concret. Je tiens à préciser ici qu’au-delà de mon diplôme d’infirmière français, de mon Master in European Business (obtenu en France) et de mon Master in International Business obtenu au Mexique, je me heurtais constamment à des échecs. Même mon école de commerce au Mexique, réputée pour être une des plus prestigieuses d’Amérique Latine, ne savait que me dire et ne m’a offert aucun réel soutien.

Je ne parle même pas des expériences d’entretien d’embauche humiliantes où l’on m’a imposé un test de grossesse et où l’on ne m’a posé que des questions personnelles. Le récit est ici (en anglais).

M’installer au Mexique n’était pas quelque chose de forcément aisé et je dois dire qu’au travers de cette expérience de recherche d’emploi, j’ai sérieusement commencé à me remettre en question, à douter de moi-même, à me déprécier. J’avais le sentiment que je ne valais rien. Mes compétences linguistiques en anglais et en espagnol me semblaient vaines et tout ce que j’avais sacrifié pour poursuivre le Master en commerce international (je rembourse à l’heure actuelle un prêt étudiant en France) me semblaient avoir été inutiles. Même le milieu hospitalier où j’ai de l’expérience ne voulait pas de moi alors que Monterrey abrite un cluster médical…

Monterrey - Août 2016

Je me suis tournée vers l’enseignement du français mais là encore je me suis retrouvée face à un obstacle : l’université où j’étais censée enseigner se refusait à m’aider avec la procédure du visa, ce que je ne comprenais pas car elle l’avait déjà fait auparavant pour d’autres professeurs. Là encore, je tiens à préciser qu’il s’agissait de l’université où j’avais effectué mon semestre d’échange…

J’ai retourné le problème dans tous les sens, tenté de comprendre les raisons qui faisaient que je ne trouvais rien et je suis parvenue à la conclusion que mon parcours atypique faisait peur aux recruteurs. En outre, avoir été infirmière et directrice adjointe de crèche me faisaient de la mauvaise publicité : c’était dénigré et pas reconnu comme une réelle expérience professionnelle…

Ce fût une période très difficile.

2 – Se marier pour rester légalement au Mexique

Ne disposant pas de visa de travail mais seulement d’un visa de touriste d’une durée de 180 jours, il me fallait trouver un moyen légal de rester au Mexique. Andy et moi avions notre mariage prévu au mois d'avril de l’année suivante et nous étions alors en août…Cela faisait trop de temps et surtout, je désirais plus que tout pouvoir travailler. Nous avons donc signé avant, en petit comité, et ce fût là encore très difficile car je n’avais pas les miens auprès de moi. Pour moi, cette date ne veut rien dire et n’existe tout simplement pas. Mon mariage civil était bel et bien en avril.

3 – Etre mariée avec un mexicain ne donne pas le droit de travailler

Lorsque j’ai fourni tous les documents nécessaires à l’INM, j’ai obtenu un visa temporaire de deux ans mais…sans être autorisée à travailler ! Au Mexique, lorsque l’on se marie avec un mexicain, on obtient un droit légal de résider dans le pays mais il faut attendre deux ans pour pouvoir travailler. Lorsque j’ai demandé à l’officier de l’Immigration ce que j’allais faire, il m’a répondu : « Tu n’as pas besoin de travailler. Tu dépends de ton mari ». Ce fût le coup de massue. Il faut savoir que même si les choses ont beaucoup évolué, le Mexique reste un pays très conservateur, en particulier dans le nord, et que beaucoup de femmes ne travaillent pas. Autre situation : elles travaillaient mais ont arrêté lorsqu’elles se sont mariées. Je me suis sentie complètement démunie et j’ai commencé à remettre en cause ma décision de vivre au Mexique. J’avais toujours été indépendante jusque là et je ne supportais pas l’idée de dépendre d’Andy même si bien-sûr il ne me mettait aucune pression. Il était autant affecté que moi par la situation et cela a fortement impacté notre couple alors que nous étions en plein préparatifs de mariage.

4 – Je me suis enregistrée comme travailleur indépendant

Alors qu’Andy et moi recherchions toutes les solutions possibles, une bonne grâce est finalement arrivée. Un comptable m’a informé d’un procédé peu connu : s’enregistrer soi-même au SAT (Servicio de Administración Tributaria), l’institut des impôts au Mexique, en tant que travailleur indépendant. L’idée était de pouvoir proposer des services de consultant et de dire que pour ce faire j’avais besoin d’éditer des factures afin de déclarer mes revenus. Pour cela, aucun souci : lorsque l’on insiste pour payer des impôts, les portes s’ouvrent. Grâce à l’aide du comptable j’ai pu effectuer les démarches assez simplement et j’ai obtenu mon numéro de « contribuyente » afin de pouvoir déclarer des revenus.

5 – Retour à l’INM

Je suis donc retournée à l’INM avec les documents du SAT et après une longue série de détails (la lettre n’est pas correctement écrite, vous avez oublié de remplir le formulaire bleu, ah non mais pour cela c’était le jaune qu’il fallait, ah et on ne vous a pas remis le rose ? par contre là il nous faudra trois copies et non deux en plus de l’original...) j’ai enfin obtenu le permis de travail. Néanmoins (et oui, il y avait encore un « mais »), chaque fois que la situation professionnelle d’un résident étranger change au Mexique, il a pour obligation légale d’en informer les services de l’Immigration. Il doit toujours actualiser son adresse professionnelle (qui est souvent l’adresse personnelle si l’on est indépendant) ainsi que tout détail ayant lié à sa situation personnelle : changement d’adresse, changement d’état civil…

6 – Des cours de français rémunérés sur facture

J’ai finalement été embauchée pour donner des classes de français en facturant mes classes au lieu d’être une employée classique recevant son salaire mensuel et bénéficiant de droits sociaux. Problème : on ne m’a payé qu’à la fin du semestre…Quand on doit régler un mariage, ça ne facilite pas les choses. Andy avait une pression énorme sur les épaules et je sentais qu’il ne voulait pas que je m’inquiète. En fait, il avait une terreur bleue que je fasse mes valises et que je rentre illico en France. Là encore, cela a été une période difficile. Cependant cela me faisait un bien fou d’avoir une activité, de rencontrer d’autres personnes et curieusement, j’ai définitivement apprécié enseigner le français à de jeunes adultes désireux d’en savoir plus sur la culture française.

7 – Une expérience en entreprise

A l’issue du semestre j’ai été contactée via LinkedIn par une entreprise recherchant quelqu’un parlant français. Cela faisait alors un an que j’étais au Mexique. Bien que je ne fusse pas fondamentalement attirée par le poste, j’y ai vu une opportunité. C’est l’entreprise qui a effectué les démarches d’actualisation auprès de l’INM ce qui m’a alors grandement facilité les choses. Problème : cette expérience professionnelle fût l’une des pires que j’ai vécu. Je ne m’étendrais pas en détail dans cet article car j’en parle ici.

8 – Démission

J’ai donc démissionné. Après 6 mois, j’ai renoncé et je suis revenue aux classes de français à temps partiel. La coordinatrice du centre de langues m’avait promis plus de groupes mais…elle n’a pas tenu sa promesse. J’ai donc peu de classes et moins d’argent. Et je sais que beaucoup jugent ma décision insensée. Je suis consciente que je prends une prise de risques, que je cotise moins pour la retraite, mais je sais aussi que je vis désormais mieux psychologiquement. J’ai moi-même réactualisé mon statut auprès de l’INM (j’ai dû y retourner pas moins de trois fois) car je suis de nouveau travailleur indépendant, et ce parce-que le centre de langues s’est encore refusé à m’employer comme salarié classique. Là aussi on m’avait promis le contraire…

Je n’en n’ai pas fini avec l’INM : je dois y retourner en septembre car ma résidence temporaire de deux ans arrive à son terme. Ayant deux ans de résidence au Mexique à mon actif et deux ans de mariage avec un mexicain, je vais pouvoir demander la résidence permanente. Quatre ans sont nécessaires lorsque l’on n’est pas marié avec une personne de nationalité mexicaine. Quoiqu’il en soit, devenir résident permanent ne me dispensera pas d’informer l’INM de mes éventuels futurs changements de situation. Pour être dispensée de cette démarche, il faut demander la nationalité mexicaine et je n’en n’ai pas l’intention, mais ça, je l’aborderai dans un futur article.

Mon expérience vaut ce qu’elle vaut et ne peut être généralisée. Afin de contrebalancer mon récit, voici un contre-exemple : je connais une danoise qui a été recrutée un mois après son retour au Mexique (elle aussi a un compagnon mexicain) et elle a obtenu facilement son visa de travail grâce à l’entreprise qui l’emploie. Je pense que mon CV ne collait pas aux attentes du marché de Monterrey, et ce malgré mon expérience du milieu sanitaire et social. Cela aurait sûrement été différent à Mexico car la capitale compte beaucoup plus d’entreprises françaises.

Je dois avouer que même si le Mexique est un pays enchanteur, plein de charmes, l’aspect professionnel est quelque chose de compliqué. En tous cas, ça l’est pour moi.

Après près de deux ans, je me suis sentie épuisée et démotivée. C’est pour cela que j’ai finalement pris la décision de prendre du recul et de me consacrer (enfin) à mes projets même si je suis consciente que je prends des risques. Aujourd’hui, mon mantra est de me concentrer sur les objectifs que je me suis fixée sans me laisser polluer par ce que j’appelle des « détracteurs », ceux qui me disent que j’ai tort et que j’ai fait une erreur. Bientôt j’aurais 30 ans et des erreurs jusqu’à maintenant, j’en ai fait beaucoup. Mais cette fois-ci, je pense n’en n’avoir commise aucune.

Si vous avez des questions sur l’expatriation au Mexique, n’hésitez pas à les poser ci-dessous ou à me contacter directement via ce formulaire de contact.

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A propos
Hélène Carrillo

Moi c’est Hélène, je me suis installée au Mexique en Juillet 2016, époque à laquelle j’ai débuté le blog.

A French in Mexico, c’est l’histoire d’une Française qui vit au Mexique et qui écrit plein de choses sur la vie à l’étranger. et les voyages. Je partage ma découverte du pays et de sa culture, mais aussi mon expérience sur la vie d’expatriée, sa richesse et parfois et ses difficultés.

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