Pour la seconde fois, je rejoins le RDV #HistoiresExpatriées, rendez-vous mensuel de blogueurs autour d’un thème défini à l’avance. Le mois dernier je vous avais parlé de ma ville, Monterrey, la nuit et cette fois-ci l’article porte sur ce que j’aurais voulu savoir avant de partir. Le thème a été proposé par Ophélie, du blog Cross my Heart and Hope to Die, française expatriée à York en Angleterre.
Qu’aurais-je donc voulu savoir avant de me rendre au Mexique et finalement de m’y installer ?
Bien-sûr, il y avait une foule de choses que je ne connaissais pas avant de partir, pour autant, si j’y réfléchis bien, je ne pense pas que j’aurais voulu les savoir. Quand je suis partie au Mexique, j’étais vraiment « vierge » de tout, je n’avais aucune idée particulière de ce qui m’attendait, c’était l’inconnu total, et même si cela pouvait m’inquiéter un peu, je trouvais cela formidable. Au fond, j’éprouvais un sentiment heureux à l’idée que je ne savais rien et que j’allais tout découvrir.
Néanmoins, comme je tiens à ce RDV d’Histoires Expatriées, je me suis creusé les méninges à la recherche de choses que, si je n’espérais pas nécessairement savoir au préalable, auraient pu m’être fort utiles…
1 – Ne pas s’engager dans un contrat de location à distance
Eh oui, à l’instar de beaucoup d’autres étudiants, j’ai fait cette erreur.
Mon université au Mexique m’avait vivement recommandé de rentrer en contact avec la principale association d’étudiants dédiée à l’accueil des étrangers, ce que j’ai donc fait. J’ai eu l’opportunité de discuter avec le responsable qui m’a très vite parlé de logements disponibles. Une des missions de l’association était en effet d’aider les étudiants étrangers à trouver une location pour leur semestre d’échange. Il m’a envoyé des photos d’un appartement qui m’a paru correct et qui était destiné à une colocation avec une allemande et une suédoise. Je dis oui, je m’engage, j’effectue le premier virement et je me dis que j’ai désormais quelque chose en moins à gérer.
Le jour de mon arrivée, deux personnes de l’association m’attendent à l’aéroport pour m’emmener à l’appartement qui est juste à côté du campus. Je suis épuisée par le voyage (j’ai raté ma correspondance à Miami et dû y passer la nuit) et je n’ai qu’une hâte : arriver ! Quelle ne fût pas ma surprise ! La résidence est « ok » mais le quartier très moyen. Quant à l’appartement…c’est un vrai cauchemar : le ménage n’a pas été fait, il y a de la poussière partout, ça sent le renfermé, la fenêtre de la chambre principale donne sur des poubelles, l’eau des toilettes est brunâtre, la cuisine dégoûtante et il n’y a pas d’internet. On me répond : “No te preocupes. No pasa nada. Vas a tenerlo como en una semana”. Comprenez ici : « Ne t’inquiètes pas. Il n’y a pas de problème. Tu vas l’avoir comme dans une semaine ». Je ne suis franchement pas convaincue. Mes « roomies » (colocataires) ne sont pas encore arrivées et moi, je n’ai aucune envie de rester. Autre détail, l’appartement est près du campus principal certes, mais très loin de mon école de commerce qui dépend de l’université mais qui est littéralement dans une autre commune. Je suis donc allée à l’hôtel et je devais très vite trouver une solution.
En définitive, je n’ai jamais pu récupérer l’argent que j’avais donné et même si beaucoup d’étudiants étaient satisfaits de l’association, ça n’a pas été mon cas. En fait, j’étais sûrement trop « vieille » pour ces choses-là. Beaucoup de fêtes arrosées à l’alcool, des appartements miteux…En outre, je n’ai pas spécialement apprécié l’attitude infantilisante du responsable. J’ai finalement trouvé une autre résidence qui ne s’est pas révélée le mieux non plus, surtout question administration, mais qui avait au moins le mérite d’être propre. J’ai vraiment eu peu de temps pour trouver quelque chose car mes cours allaient débuter très vite.
La résidence étudiante où j'ai finalement trouvé une chambre dans une colocation avec 3 garçons
Par la suite, j’ai rejoint Andy dans l’appartement qu’il louait et nous avons récemment déménagé dans quelque chose que nous avons choisi tous les deux.
Conclusion : ne jamais s’engager à l’avance. Prévoir au moins trois nuits d’hôtel, voire une petite semaine, afin d’avoir le temps de prendre ses marques et de faire soi-même les visites avant de s’engager dans quoique ce soit.
2 – Partager sa nourriture
Au Mexique, on partage ! Je ne me réfère pas simplement à piquer dans l’assiette du voisin à la maison : quel que soit le moment de la journée et quel que soit le lieu, il est normal, voir induit de partager. Lorsqu’il apparaît grossier de faire tourner les assiettes au restaurant avec des compagnons de table en France, c’est tout à fait naturel au Mexique.
Ne connaissant pas cette coutume, je me suis sentie très mal à l’aise lorsqu’un cousin d’Andrés qui était assis à ma droite au restaurant à Mexico a commencé à se servir dans mon assiette. Voyant ma froideur, il m’a questionné et tout le monde s’est mis à me fixer autour de la table. Les personnes présentes ont pensé que je ne voulais pas partager et cela les a choqués. De mon côté, je n’arrêtais pas de jeter des regards en direction des serveurs pensant que quelqu’un allait nous reprendre. Quelques minutes auparavant, une cousine m’avait proposé de goûter dans son plat et j’avais poliment refusé sans lui proposer de goûter le mien en retour. Aujourd’hui on en rigole bien mais sur le moment ce fût un gros malentendu et une situation gênante.
3 – L’hiver peut parfois être très froid à Monterrey
Monterrey est connue pour ses extrêmes chaleurs. De juin à septembre, il n’est pas rare que les températures grimpent jusqu’à 37-40°C l’après-midi, et le reste de l’année il fait globalement chaud. Cependant il y a un « mais ». En hiver, certains jours la température descend brutalement jusqu’à 4°C pour être de nouveau à 30°C le lendemain. Ce phénomène de « frente frio » ou « front froid » se produit lorsqu’une masse d’air froid se rapproche d’une masse d’air chaud : l’air froid dense génère une cuve et s’installe en dessous de l’air chaud qui est moins dense. Le « frente » se définit toujours par la séparation entre deux masses d’air de températures différentes et est très courant en zone montagneuse comme c’est le cas à Monterrey. Les « fronts froids » se mouvent généralement rapidement et causent inévitablement des perturbations atmosphériques brutales : c’est ainsi que nous avons eu de la neige en janvier dernier mais que le lendemain nous avions un grand soleil et étions à 30°C.
Neige à Monterrey...
En définitive, l’hiver n’est jamais rude très longtemps à Monterrey mais certains jours peuvent surprendre et dans la mesure où je n’avais pas connaissance de ce phénomène, je n’étais absolument pas équipée lors de mon semestre d’échange. En août tout allait bien, mais parvenue en octobre, j’ai sérieusement commencé à avoir froid certains jours. J’ai finalement dû acheter quelques vêtements ainsi qu’une paire de chaussures sur place.
4 – La vie est très chère à Monterrey
Monterrey et la commune de San Pedro attenante sont les villes les plus chères du Mexique et parmi les plus chères d’Amérique Latine. C’est spécialement vrai lorsque l’on sait que les salaires ne sont en général pas proportionnels au coût de la vie.
Lorsque j’étais en semestre d’échange, les étudiants avaient de bons moyens, soutenus par leurs parents, et avaient tendance à sortir tout le temps : je ne pouvais clairement pas suivre ce rythme, ce qui inévitablement peut conduire à l’exclusion.
5 – Le gap social est effarant
J’étais consciente que les classes sociales sont très marquées au Mexique et qu’il existe un gouffre entre la classe sociale élevée qui représente une minorité et la classe sociale à revenus très modestes pour ne pas dire pauvre. Cependant, je n’avais pas mesuré la dimension de ce gouffre…Lorsqu’une minorité vit dans des maisons comparables à des châteaux (littéralement), la majorité vit dans une misère effroyable. De plus la classe moyenne est très faible et a toutes les difficultés du monde à réduire l’écart.
Contrastes
Dans ma situation précise, je dirais qu’Andy et moi-même n’avons pas à nous plaindre mais qu’il y a beaucoup de choses que nous ne pouvons pas nous permettre et cela peut avoir tendance à nous éloigner de certains amis qui vivent encore chez leurs parents et n’ont aucune charge (et oui, à presque 30 ans mais j’aborderais cet « effet Tanguy » dans un prochain article, beaucoup vivent encore chez leurs parents).
6 – Le Mexique souffre d’un problème de santé publique majeur : l’obésité.
Je n’avais pas conscience que le Mexique est le deuxième pays au monde, après les Etats-Unis, qui souffre le plus d’obésité et d’affections qui y sont directement liées telles que le diabète, l’hypercholestérolémie, l’hypertension, les problèmes cardiaques…Le pays reçoit une influence directe des Etats-Unis et de la « malbouffe » et le gouvernement ne prend aucune initiative pour enrayer le phénomène. Et pour cause, les lobbys de l’industrie alimentaire sont très puissants et versent des sommes conséquentes aux gouvernements. J’en parle dans cet article.
7 – La ville de Monterrey est très conservatrice
Contrairement aux pays européens, le Mexique est beaucoup plus conservateur que ce que j’imaginais, et c’est en particulier vrai dans le nord du pays. Impossibilité de vivre en couple avant le mariage, rejet des homosexuels, sexualité réprimée chez les jeunes femmes, sexe interdit avant le mariage, mauvaise perception des femmes qui vivent seules, en sont des exemples. Samedi soir, alors que je discutais avec un ami mexicain psychiatre il m’a expliqué ceci : « Si les femmes mexicaines s’habillent de manière très sexy lorsqu’elles sortent, voire provocatrices, c’est une réaction à une répression qui n’est jamais dite. Elles sentent le besoin de compenser. » Je sais qu’il a raison mais je suis effarée qu’au 21ème siècle on en soit encore là. Il est communément admis au Mexique qu’une jeune femme qui a des relations sexuelles avant le mariage est une racoleuse pour ne pas employer un autre terme.
8 – Monterrey et le Mexique en général ne sont pas écologiques
Quelle ne fût pas ma surprise de voir qu’il n’existe aucun tri des déchets. Il n’y a qu’une poubelle pour tout.
En outre, dans le cas précis de Monterrey, la ville souffre de multiples chantiers de construction, de carrières (dont l’entreprise majeure qui les gère est le géant Cemex), d’absence de trottoirs et de transports en commun, d’excès de voiture (et de grosses voitures), d’absence de plan d’urbanisation et d’une chaleur parfois extrême. Tout cela conjugué génère un fort taux de pollution et nous asphyxie littéralement. Je souffre d’allergies et de problèmes respiratoires sachant que je suis déjà asthmatique…Le plus surprenant, est que là encore, aucune initiative n’est prise par le gouvernement pour enrayer le phénomène. Ce qui compte, c’est de faire de l’argent et donc de faire fonctionner les industries et de signer toujours plus de permis de construction.
9 – Les démarches migratoires sont difficiles
On parle beaucoup de l’immigration qui est très difficile aux Etats-Unis mais il en va tout à fait de même pour le Mexique. N’ayant jamais fait appel à un avocat pour effectuer mes différentes démarches, je ne compte pas les heures que j’ai passé dans les bureaux de l’immigration et je n’assimile toujours pas, après presque deux ans, à quel point l’administration est retorse. Rien que le fait qu’un étranger marié à un mexicain n’aie pas le droit de travailler pendant deux me semble aberrant. J’en parle dans cet article.
10 – On ne dit pas « non » au Mexique
Je l’avais mentionné dans cet article sur le politiquement correct : au Mexique, c’est grossier de dire non. Si l’on reçoit une invitation ou si l’on nous demande quelque chose, il faut toujours dire oui…même si ce n’est pas vrai. Si vous ne comptez pas honorer l’invitation, ne dites rien et à la dernière minute, inventez une excuse (compromis familial ou autre). Un français pourrait être vexé car quand on dit oui et que l’on s’engage, on doit s’y tenir. Mais au Mexique, il est impoli de dire non, acte jugé frontal.
Ces différents points sont spécifiques à la région du monde où je vis et je ne les connaissais avant de partir. Ils auraient pu m’être utiles bien-sûr, pour autant, je ne suis pas convaincue que j’aurais voulu les savoir. Le propre de l’expatriation est de découvrir peu à peu des mœurs et des coutumes différentes de celles auxquelles nous sommes habitués. L’expatriation bouscule nos repères, questionne, remet en cause, ouvre de nouvelles perspectives et je pense que la capacité à se laisser surprendre est essentielle. En définitive, avant de partir, préparez-vous sur ce dont vous avez le plus besoin (démarches administratives en particulier) et pour le reste, laissez-vous surprendre.
Cet article participe au RDV #HistoiresExpatriées organisé par le blog L'Occhio di Lucie.