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Les menstruations au Mexique


La semaine dernière, j’ai annoncé sur ma page Facebook que je travaillais à un article sur les règles au Mexique et plus largement sur leurs différentes perceptions à travers le monde : chose promise, chose due !

De tous temps, les menstruations ont fait l’objet de discrimination, diabolisation, culpabilité, opprobre, punition, silence. L’ignorance, ou tout simplement la misogynie, ont fait d’un phénomène biologique et naturel un anathème. Cependant, l’approche des menstruations varie grandement d’une culture à l’autre. En France je dirais que les femmes sont relativement bien loties, en particulier en comparaison d’autres pays. Les françaises ont en effet accès à un large éventail de protections hygiéniques et parler de ses règles n’est plus tabou comme ce l’était auparavant. Cela reste un sujet de discrétion, mais la honte ou l’image d’impureté n’y est plus autant associée qu’il y a cinquante ans plus tôt.

Mais allons voir d’un peu plus près ce qui se passe dans d’autres pays. Dans certaines régions du Népal les menstruations sont signe d’impureté et donc source de honte. A cet égard, les femmes en période de règles doivent quitter le foyer familial et s’isoler dans une « hutte » afin de ne pas « contaminer » l’environnement : c’est ce qu’on appelle le « chhaupadi », rituel interdit par le gouvernement mais qui persiste. Les « huttes » sont généralement très rudimentaires et les femmes y sont exposées aux intempéries et aux animaux sauvages. Dans certaines régions d’Inde, les femmes en période de menstruations ont interdiction de toucher la nourriture sous peine de la rendre inconsommable. En Bolivie, il leur est interdit de jeter leur protection hygiénique dans une poubelle au sein de toilettes publiques : elles doivent donc attendre leur retour à la maison. Enfin, dans certains pays d’Afrique tels que le Kenya ou le Bénin, les jeunes filles en période de règles n’ont pas le droit d’aller à l’école. Il est important de souligner ici la régulière absence de sanitaires dans les écoles et le manque d’argent qui induit que les jeunes femmes ne peuvent pas s’acheter de serviettes hygiéniques jetables. Comment font-elles alors ? Elles utilisent des feuilles séchées, du sable, de la boue…source d’infection.

Mais qu’en est-il dans mon pays d’adoption ? Mon premier problème au Mexique s’est révélé être l’offre en termes de protection hygiénique. Le moyen le plus répandu est la serviette absorbante jetable et le tampon est encore majoritairement tabou. Bien que la marque Tampax soit distribuée, l’offre est plutôt restreinte. Le fait est que très peu de mexicaines utilisent ce moyen considéré comme peu hygiénique et source d’infections. Une mexicaine m’a ainsi un jour révélé qu’elle trouvait les tampons « dégoûtants » et que c’était pour cela que les femmes avaient des mycoses vaginales. Une autre m’a dit que c’était « mal » parce-que ça ôtait la virginité. Je ne prétends pas que le tampon n’est jamais source d’infection, mais il est cependant évident qu’il y a beaucoup de méconnaissance autour de ce moyen au Mexique. En quoi une serviette pleine de sang serait-elle plus hygiénique qu’un tampon ? Elle favorise l’humidité et la macération et ne permet pas d’éviter le risque d’infection à 100%.

Par la suite, j’ai pris conscience que les règles sont encore source de tabou au Mexique. Ce n’est pas un sujet qu’on aborde ouvertement et même si je n’irais pas jusqu’à dire que c’est condamnant, ça reste quelque chose que l’on tait. Par exemple, beaucoup de femmes en période de règles ne se permettent pas d’aller à la plage. On peut comprendre que sans l’usage de tampon elles ne vont pas se baigner, mais en quoi une serviette hygiénique empêche-t-elle de prendre le soleil ? Les règles justifient-elles de se « limiter » ? Je ne souhaite pas généraliser mais ce sont des choses que j’ai observé.

Autre fait m’ayant interpellé : il semblerait que les mexicaines soient physiquement plus sensibles et plus enclines à la douleur en période de règles. Chaque femme est différente et le niveau d’inconfort varie de l’une à l’autre, mais il m’est apparu que les femmes au Mexique sont particulièrement en proie à la douleur. Avoir ses règles les empêche d’exercer une quelconque activité physique et parfois même d’aller travailler. Il ne fût pas rare que des amies m’avouent à demi-mots qu’elles ne pouvaient pas courir ou faire du sport à cause de leurs règles, ce qui me semble assez surprenant. Je n’irais pas à dire qu’il est confortable de courir en ayant ses règles, mais de là à ne pas pouvoir ? Le fait est que biologiquement, si une femme souffre de ses règles, à partir d’un certain degré ce n’est pas normal. L’une des maladies gynécologiques pouvant être à l’origine de fortes douleurs est par exemple l’endométriose : maladie chronique récidivante qui se caractérise par la formation, en dehors de l’utérus (dans les ovaires, l’appareil urinaire…), de tissus formés de cellules endométriales. Je m’interroge donc.

Un autre aspect lié aux règles que je trouve intéressant est le développement de nouvelles protections hygiéniques telles que la coupe menstruelle (la cup en anglais). L’article de Laura du blog Les gobes blogueurs explique très bien en quoi elle consiste et comment elle s’utilise. De plus en plus de femmes sont en train de l’adopter et elle présente un avantage écologique car elle est lavable. Il faut avoir un point d’eau et de l’intimité pour la vider mais l’on peut imaginer que le phénomène prenant de l’ampleur, des aménagement futurs seront peut-être envisagés. J’ai aussi récemment vu des femmes fabriquer leurs propres serviettes hygiéniques lavables comme au bon vieux temps. Problème : trop de pays souffrent encore d’une offre restreinte (pour ne pas dire absente) ou trop onéreuse en termes d’hygiène intime. Le besoin primaire de propreté et d’hygiène corporelle est en d’autres termes, dénié dans certaines parties du monde, et ce au 21ème siècle : je trouve le constat grave.

En définitive, chaque femme est différente et c’est à chacune de définir le type de protection qu’elle juge le plus confortable, encore faut-il qu’elle en aie la possibilité. Trop de femmes n’ont pas le choix. Un beau chemin a été parcouru jusqu’à maintenant mais il est encore nécessaire que les choses changent, évoluent. Il est nécessaire que partout dans le monde les femmes puissent aborder librement le thème des règles sans un quelconque sentiment de honte. Serait-il nécessaire de rappeler que les règles sont un phénomène biologique naturel généré par l’appareil producteur féminin et que donc sans les règles, il n’y aurait pas de futures vies à venir pour les femmes qui souhaitent devenir mères ? Pourquoi donc en faire un tabou ?

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