La condition de la femme est intrinsèquement liée à la culture et varie donc d’un pays à l’autre : elle n’est ainsi pas la même au Mexique qu’en France et ce sont ces différences que nous allons aborder. Nous allons voir ensemble quelles sont les différences majeures entre le fait d’être une femme en France et d’être une femme au Mexique, et je partagerai également mon expérience en tant que française au Mexique, dans la mesure où je suis porteuse de codes différents, d’une culture différente.
Après plus de deux ans d’expatriation au Mexique (presque trois si je prends en compte mon semestre d’études), j’ai expérimenté qu’être une femme en France est considérablement différent que d’être une femme au Mexique. Changer de pays de résidence nous confronte toujours à des différences culturelles, et c’est ce qui fait la richesse de l’expatriation, mais je ne mesurais pas à quel point les différences de genre étaient si importantes entre mon pays d’origine et mon pays d’adoption. Je vous propose donc dans cet article, au travers de différents aspects, un aperçu de l’écart entre coutumes françaises et mexicaines.
1. La notion de galanterie
La galanterie est une politesse empressée auprès des femmes. Elle désigne donc toutes sortes d’attentions et de compliments à l’endroit de la femme. Originellement associée au savoir-vivre et au respect, elle s’est progressivement effacée en France étant perçue comme sexiste. Dans un contexte de féminisme grandissant et de lutte pour l’égalité des genres, la galanterie est devenue pour beaucoup en France une pratique qui placerait les femmes en position d’infériorité. Au Mexique en revanche, la galanterie est très présente. En voici des exemples :
Les hommes ouvrent la porte aux dames (porte de voiture mais aussi de restaurants et de quelconque autre endroit)
Les hommes respectent un principe tacite de « les femmes d’abord » : il est induit qu’elles doivent passer les premières, être servies les premières.
Les hommes ont tendance à « s’occuper » des femmes : ils prennent soin qu’elles ne manquent de rien. Par exemple, lors d’une fête avec un buffet, un homme ne va pas hésiter à servir la femme qui l’accompagne. Lorsque son verre est vide, il la ressert sans même qu’elle n’ait à le demander. Au restaurant, cela ne va pas être à elle d’appeler le serveur : il va le faire pour elle. Enfin dans une certaine mesure, les hommes vont essayer d’anticiper le désir des femmes. J’ai ainsi été plusieurs fois témoins d’hommes qui se coupent en quatre pour s’assurer que leur compagne se sente bien.
En général, les hommes paient l’addition : ils ont été éduqués dans ce sens et dans le même temps, les femmes n’en n’attendent pas moins, elles considèrent que c’est normal. Le schéma traditionnel suivant persiste : l’homme doit pourvoir financièrement le foyer tandis que la femme doit s’assurer de la bonne tenue de son foyer (ménage, cuisine, éducation des enfants).
Les hommes ont enfin tendance à porter les charges lourdes : bagages, sacs de supermarché, etc…Ils ont été élevés avec l’idée que ce n’est pas aux femmes d’avoir à porter.
En France, toutes ces attentions ont aujourd’hui tendance à être perçues comme un excès même si on ne peut complètement généraliser. Les femmes associent galanterie et perte d’autonomie, comme si le simple fait de bénéficier de délicatesse leur ôtait leur indépendance. Elles se sont habituées à un traitement plus « égal » entre hommes et femmes. Mais perd-on vraiment son indépendance sous le seul prétexte de se faire ouvrir la porte ? Personnellement, je n’en suis pas si sûre or je suis en faveur de l’égalité hommes/femmes. Mais en quoi la galanterie est-elle un problème ? Pourquoi juger qu’elle maintiendrait la femme dans un état d’asservissement (dixit Simone de Beauvoir dans Le Deuxième Sexe) ? En France, n’est-on pas parvenu à un nouvel extrême ?
En ce qui me concerne, je partage ma vie avec un Mexicain et je suis sensible aux attentions qu’il a à mon égard. Je ne me sens pas moins libre ou pire, inférieure, parce-qu’il prend soin de moi : dans un couple on prend soin de soi mutuellement et cela s’appelle la courtoisie, la bienveillance. En revanche, je ne considère pas normal que ce soient toujours aux hommes de payer l’addition. En France, c’est très commun d’alterner ou de partager la note, notamment en ce qui concerne les frais d’un voyage par exemple. De plus en plus de femmes travaillent désormais au Mexique, elles ne peuvent donc plus arguer qu’elles n’en n’ont pas les moyens.
2. Les notions de conservatisme et de machisme
Le machisme est une idéologie fondée sur l’idée que l’homme domine socialement la femme. Beaucoup d’hommes au Mexique se défendent de ne pas être « macho », ce à quoi je réponds que s’ils ne sont pas machos ils sont à tout le moins très conservateurs, le conservatisme étant la tendance de quelqu’un, d’un groupe, ou d’une société, définie par le refus du changement et la référence sécurisante à des valeurs immuables. Le conservatisme, par définition, s’oppose au changement. Voici des principes, selon moi conservateurs (parce-que je suis française), qui sont encore très prégnants au Mexique :
Une femme doit prendre soin de son foyer. C’est son rôle de cuisiner, élever les enfants et s’assurer de la propreté de sa maison. A contrario, l’homme a la responsabilité financière du foyer. Ainsi, si un homme perd son emploi, il prend le risque de perdre la face.
Si l’homme à des revenus plus importants que sa compagne, cela lui donne alors un plus grand pouvoir de décision.
Même si une femme a poursuivi des études, il est normal qu’elle quitte son emploi lorsqu’elle se marie.
Les femmes appartiennent à la famille : une femme ne devrait pas quitter le foyer parental (et ce même si elle travaille et qu’elle est donc indépendante financièrement) avant de se marier.
Une fille a automatiquement plus de limitations qu’un garçon (restriction de sorties, etc…)
Une femme ne devrait pas avoir de relations sexuelles avant le mariage.
Une femme a pour destin de devenir mère.
Ce ne sont que des exemples et on ne peut les appliquer à toutes les familles mexicaines, certaines sont bien-sûr plus progressistes que d’autres, cependant ces schémas traditionnels sont encore très présents au Mexique. En tant que Française ayant vécu totalement seule pendant plusieurs années je fais face à un choc culturel car ces principes ne sont tout simplement plus admissibles en France. J’ai au contraire grandi en étant poussée à l’autonomie et l’indépendance.
3. La notion de mixité en société
La mixité repose sur le mélange d’éléments d’origine ou de nature différentes, et dans le contexte de mon propos, sur le mélange entre hommes et femmes. J’ai ainsi observé qu’au Mexique, la mixité des genres est plus discrète qu’en France. Par exemple, il existe encore au Mexique des lieux où les femmes ne sont pas admises et que l’on appelle des « cantinas ». Les « cantinas » étaient historiquement des bars fréquentés par des hommes où ils consommaient de l’alcool, mangeaient des botanas (collations, petits plats) et s’adonnaient à des jeux de société. Leur spécificité ? Interdire l’entrée aux femmes, policiers, militaires et mineurs. Ces endroits sont devenus plus rares au Mexique mais certains bravent encore le passage du temps. En tant que femme française, je suis choquée, et oserais-je le dire, indignée, qu’il existe encore des lieux interdits aux femmes, de la même manière que je serais indignée par des lieux interdits aux hommes. Dans le même temps, le phénomène de la « cantina » est complexe car c’est une tradition historique et un héritage culturel, mais au fond, je ne parviens pas à l’accepter.
J’ai également noté l’absence de mixité lors d’autres événements tels que les « baby shower », tradition héritée des Etats-Unis qui consistent à organiser une fête avant la naissance d’un enfant. Les femmes (amies, tantes, cousines) se réunissent autour de la future mère et apportent des cadeaux pour l’enfant à naître. Les hommes sont généralement exclus de ce type de réunion et là encore, je ne comprends pas. Un enfant parle d’un couple, pas seulement d’une mère. En France, nous ne faisons pas de « baby shower » mais je ne serais pas contre une fête entre amis, tous genres confondus, afin de célébrer la bonne nouvelle. Ce que je ne conçois pas, c’est l’absence de mixité.
4. Les préjugés associés aux femmes françaises
Toute culture est victime de préjugés et de stéréotypes. Sont-ils toujours vrais ? Il existe par exemple l’idée commune que les femmes françaises sont plus enclines à avoir des relations sexuelles sans trop de considérations : elles seraient plus « faciles ». C’est quelque chose qui m’a été dit à plusieurs reprises au Mexique : « n’est-ce pas que les françaises sont faciles » ? J’ai été relativement choquée d’entendre de tels propos. J’ai par la suite compris que c’est parce-que les femmes au Mexique sont plus « limitées », essentiellement par leur éducation. Elles ne quittent que très rarement le foyer familial avant de se marier, à moins que ce ne soit pour des études, et elles vivent alors en colocation avec d’autres jeunes femmes. Il n’est absolument pas admis qu’elles invitent un homme à entrer dans leur chambre chez leurs parents. J’ai ainsi connu une mexicaine qui vivait avec son compagnon français en Angleterre lors de leurs études : lorsqu’elle est ensuite rentrée au Mexique et que son compagnon est venu lui rendre visite, les parents n’ont jamais accepté qu’il voit sa chambre. Les deux étaient âgés de 25 ans et avaient vécu ensemble. Il s’agissait d’une relation sérieuse et ce français venait de parcourir l’Atlantique pour voir sa compagne…Alors forcément, d’un point de vue mexicain, les femmes françaises ayant beaucoup plus d’autonomie apparaissent « faciles ». Les femmes en France sont plus libres et ont plus d’indépendance : elles se sont battues pour cela.
5. Les préjugés associés aux femmes mexicaines
De la même manière que des préjugés sont portés sur les femmes françaises, d’autres sont portés sur les femmes mexicaines. Ainsi, il se dit communément que les femmes mexicaines, et latines en général, sont « sexy » et « sensuelles ». C’est un énoncé paradoxal lorsque l’on sait que le Mexique est conservateur vis-à-vis des femmes. Pour ma part, j’ai pu observer que les mexicaines s’habillent en général plus court qu’en France et portent des talons plus haut et ce régulièrement. Je n’aime pas dire qu’elles sont plus féminines car que signifie concrètement être « féminine » ? Mais ce qui est sûr, c’est qu’elles consacrent plus de temps à leur présentation et leur apparence. Elles passent des heures à se coiffer et faire leur manucure avant une fête par exemple. Lors d’un événement tel qu’un mariage, elle se rendent dans un salon de beauté afin de bénéficier d’un maquillage encore plus prononcé et de se faire onduler les cheveux ou un chignon élaboré. Une femme française sera plus encline à montrer ses imperfections et sera en général plus simple et plus discrète. Enfin, la conception de la mode et du style n’est pas la même entre la France et le Mexique. J’ai ainsi noté que la mode mexicaine est plus standardisée et conventionnelle qu’en France où on ose plus bousculer les codes et où on se permet plus d’originalité.
6. Le pouvoir d’expression des femmes
Etant plus libres et indépendantes, les femmes en France ont un pouvoir d’expression plus important que les femmes au Mexique. Elles ont tendance à être plus directes et frontales avec leurs interlocuteurs. C’est un aspect plus compliqué au Mexique où les femmes, et en réalité aussi les hommes, évitent la confrontation. Il n’est en effet pas bien perçu d’être « trop » honnête et c’est en ce qui me concerne quelque chose de difficile car l’authenticité est pour moi une valeur majeure. Il n’est pas correct au Mexique de dire non : on préférera sourire plutôt que d’exprimer ouvertement son mécontentement. Cela a sans nul doute des conséquences sur l’évolution des femmes au Mexique. Comment faire changer les choses sans ne rien dire ? Sheryl Sandberg dans son livre Lean In énonce ainsi que le changement vers l’évolution de la condition féminine et de l’égalité des genres ne peut venir que du gouvernement et des institutions. C’est aussi aux femmes d’oser et de prendre la parole.
Prenons l’exemple de Simone Veil (1927-2017) qui est entrée au Panthéon français le 1er juillet dernier. Rescapée des camps de la mort en Allemagne, cette femme française juive fût ministre de la santé en 1974 (elle légalisa alors l’avortement en France), première présidente du parlement européen en 1979, ministre des affaires sociales en 1993 et membre de l’Académie française en 2008. Son parcours démontre que les femmes ont la capacité à prendre la parole et à faire valoir leurs droits.
Conclusion
Le Mexique est en train de changer : les femmes ont commencé à obtenir plus d’indépendance même si c’est encore discret. Certaines familles sont moins conservatives que d’autres et cela dépend particulièrement du niveau d’éducation et des zones géographiques : à cet égard le nord du pays semble plus conservateur. Il existe encore de profondes inégalités salariales entre hommes et femmes à niveau d’éducation et poste similaires. Mais c’est aussi le cas en France. Il y a encore du chemin à parcourir et on ne peut arrêter la lutte sous prétexte que des avancées ont déjà été faites.
En tant qu’expatriée, en tant que Française au Mexique, je dois m’adapter à des coutumes auxquelles je ne suis pas habituée, néanmoins je ne considère pas que j’ai à « tout » accepter. Du reste, je ne peux renier mon identité.
Cet article sur l'expatriation et les différences culturelles s'inscrit dans le contexte d'une conférence donnée à des étudiants mexicains en apprentissage de la langue française.