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Trois années d’expatriation au Mexique


Cet article fait suite au post Recherche d’emploi et immigration au Mexique où je répondais aux nombreuses questions que je reçois quotidiennement. À vos interrogations générales, succède souvent la question sur ce que moi je fais au Mexique. En trois ans d’expatriation, mon parcours n’a pas été facile et je dirais plutôt chaotique. Il m’a fallu composer avec certaines contraintes que je détaillais justement dans le précédent post, gérer certaines difficultés qui peuvent se présenter lorsque l’on est étranger.


On a tous un parcours différent et des expériences différentes. Chaque expatrié met le pied au Mexique (ou ailleurs) pour des raisons distinctes et donc dans un contexte distinct. Quoiqu’il en soit, voici un résumé de mes diverses expériences, de ce que j’ai pu accomplir (ou non) durant ces trois dernières années au Mexique.


 

Professeur de français


Je ne dirais pas que j’ai choisi cette voie par vocation mais j’ai néanmoins éprouvé un réel plaisir à enseigner et à partager ma langue et ma culture auprès de jeunes adultes curieux et désireux d’apprendre. Comment en suis-je venue à ça ? C’est bien simple, je ne trouvais tout simplement pas d’entreprise prête à me soutenir dans la demande de visa. Bien que mariée à un Mexicain, je n’avais pas le permis de travail (voir Être marié à un mexicain ne donne pas le droit de travailler) mais un centre de langue universitaire m’a finalement proposé un poste en me rémunérant sur facture. J’ai pu m’enregistrer au SAT (équivalent du Trésor public au Mexique) comme « indépendante » afin de pouvoir éditer mes propres factures et c’est ainsi que cela s’est fait.


Les limites : le fait de devoir attendre la fin du semestre pour être rémunérée et une situation précaire car d’un semestre à l’autre les demandes sont différentes et on n’est pas sûr de voir son contrat renouvelé. Il n’y a aucune garantie.


Les + : la possibilité de faire des rencontres, d’échanger, de transmettre et de partager.


Petite précision : sans le Master FLE (Français langue étrangère) ou tout du moins une certification FLE, il est impossible d’enseigner le français en université niveau licence et master. Les options possibles sont donc les centres de langues, les écoles (de la maternelle au lycée), les entreprises et les cours particuliers.


Dans le monde de l’entreprise


Un an après mon installation au Mexique, et alors que je m’apprêtais à rentrer d’un séjour parisien (j’étais littéralement sur le point de monter dans l’avion), j’ai été contactée par les ressources humaines d’une entreprise à Monterrey via LinkedIn. Ils avaient remarqué que j’avais un double Master en commerce international (en partie poursuivi à Monterrey) et que j’étais Française or ils recherchaient justement quelqu’un qui maîtrise le français. Je me suis rendue à un entretien immédiatement après mon atterrissage et le processus de recrutement a pris environ trois semaines, ce qui est rapide pour le Mexique.


Il s’agissait d’une entreprise internationale d’outsourcing qui possédait, entre autres, un client québécois, d’où le besoin du français pour négocier avec les fournisseurs. J’y suis restée 6 mois, ce qui est peu, mais ça ne me convenait pas. J’ai vite compris que je n’y avais aucune perspective d’apprentissage et d’évolution et pour être honnête, mes missions étaient très restreintes, à tel point que j’ai fini par me demander pourquoi on m’avait recruté.


Les limites : l’absence de tâches et un sentiment de malaise de ne pas pouvoir « faire plus », de ne pas pouvoir prendre d’initiatives, de faire quelque chose de concret ; un salaire restreint ; un management défaillant qui générait des tensions au sein de l’équipe.


Les + : l’usage permanent et simultané de l’espagnol (au sein de l’équipe), de l’anglais (langue officielle pour travailler) et du français (pour les besoins du client) ; la rencontre avec de nouvelles personnes (j’ai à cet égard beaucoup progressé en espagnol durant cette période) ; la familiarisation avec le monde de l’entreprise au Mexique.


Voir ici le récit de mon départ.


L’écriture d’un livre


Ecrire un livre est quelque chose qui me tenait à cœur depuis longtemps. Au Mexique, je me suis enfin attelée à la tâche et j’ai achevé mon roman il y a environ un an. Malheureusement, a à ce jour il a été refusé par tous les éditeurs auxquels je l’ai soumis, ce qui n’est pas très étonnant lorsque l’on sait que seulement 1% des ouvrages reçus par les éditeurs est publié chaque année : la sélection est rude. En outre, même si l’on publie deux fois plus de titres qu’il y a 25 ans, les tirages sont deux fois moins élevés. Un grand nombre de livres paraissent dans l’indifférence la plus totale et c’est un fait : les Français lisent de moins en moins. Les auteurs sont peut-être plus nombreux mais ils sont aussi plus pauvres et rares sont ceux qui vivent de leur plume/clavier.


En définitive, mon livre ne vaut peut-être pas grand-chose mais le contexte de l’édition ne m’est pas très favorable non plus. Bien que la majorité des éditeurs m’aient répondu par un mail ou une lettre de refus type, d’autres (ils sont très rares) m’ont renvoyé une critique constructive avec des encouragements. Je pense en particulier aux éditions Héloïse d’Ormesson. Enfin, un en particulier, s’est montré plutôt odieux. C’est le jeu. Peut-être que tout cela n’est-il finalement qu’une grosse mise en scène, qui sait ? Je ne cherche pas trop à comprendre.


Je considère à l’heure actuelle l’autopublication mais je ne suis pas encore pleinement convaincue. Je souhaite effectuer plus de recherches à ce sujet. La majorité des livres autopubliés se perdent dans la masse, il faut véritablement définir une stratégie de communication, alors pour le moment je réfléchis. À ce stade, je ne suis pas pressée.


J’ai déjà plein d’autres idées de romans, ce qui peut sembler paradoxal n’ayant pas réussi à être publiée mais au fond, l’écriture ne dépend-elle que de la publication ? Je ne le crois pas. Ce serait en quelque sorte réduire l’écriture à une seule et unique fin. Ecrire a toujours été pour moi une passion et me permet de libérer ma créativité, alors pourquoi m’en priver ?


Une première année de licence à distance


En septembre dernier, j’ai entamé une licence Humanités, Lettres et Sciences Humaines à distance avec l’université de Nanterre. Réactions d’un bon nombre de personnes dans mon entourage : mais pourquoi ? pour quoi faire ? ça sert à quoi ? ça va être contraignant de devoir aller à Paris pour présenter les examens de fin de semestre, etc, etc…Je n’ai jamais vraiment réagi ou pire, j’ai dit une fois à mon interlocuteur : « Ouais t’as raison, ça sert à rien. » Pas envie de débattre, ni même de discuter, de devoir me justifier. Mais je vais répondre ici, maintenant.


Je me suis lancée dans cette licence certes non pas par nécessité. J’ai déjà un Master et du reste, ce ne sont en effet pas les Humanités qui promettent un futur professionnel rentable : je le sais (quoique…) Le fait est que master en commerce ou pas, trilingue ou pas, trouver du travail à Monterrey en tant qu’étranger est difficile, en particulier lorsque l’on n’a pas un parcours linéaire comme dans mon cas. Ceux qui jugent ne savent pas forcément ce que c’est d’être expatrié, de pédaler dans la semoule (pardonnez-moi pour l’expression), de passer par des coups de déprime, de doute et de solitude. C’est toujours facile de donner des leçons quand on perçoit les choses de l’extérieur. En définitive, je me suis lancée dans la licence parce-que je sentais tout simplement le besoin d’apprendre et de me reconnecter avec la culture française. Si j’ai abandonné les classes préparatoires de lettres quand j’avais 18 ans (saturée, pas sure de ce que je voulais faire, pas envie, immature, pas motivée) j’ai finalement ressenti un manque à 30 ans, l’envie de revenir aux Lettres, à l’Histoire (même si ce n’est clairement pas mon point fort), la philo…Par ailleurs, quand je me suis lancée, je ressentais un très fort manque de la France, c’était donc pour moi une manière de renouer avec une partie de moi-même bien enfouie. J’y ai éprouvé beaucoup de plaisir et la première année est désormais validée.


Alors oui, ça n’a pas été donné de voyager deux fois en France mais non, je n’ai pas le sentiment d’avoir jeté l’argent par les fenêtres. À chacun de mes séjours, j’ai profité de ma famille, de mes amis, de ma ville (j’y ai même couru un marathon !), de mon pays et j’en avais vraiment besoin. Et en définitive j’ai achevé l’année tout en apprenant plein de choses.



Petite précision que j’aimerais faire : à ceux qui pensent que la philosophie ne sert à rien et ne mène nulle part, saviez-vous que de nombreux directeurs d’entreprise (les fameux CEO) et d’entrepreneurs sont diplômés en philosophie ? Reid Hoffman, co-fondateur de LinkedIn, Carly Fiorina, ex-CEO d’Hewlett-Packard (avec une majeure d’histoire médiévale en prime), Gerald Levin, ex-CEO de Time Warner, Stewart Butterfield, cofondateur de Flick et CEO de Slack, Peter Thiel, cofondateur de PayPal et il y en a plein d’autres !

Pour aller plus loin, je vous invite à lire l’article du Time 10 CEOs Who Prove Your Liberal Arts Degree Isn't Worthless ainsi que 5 Reasons Why Philosophy Majors Make Great Entrepreneurs publié par Entrepreneur.com.


Vais-je continuer ? À l’heure actuelle je médite. C’est en effet coûteux de voyager et je planche sur un autre projet professionnel. Je sais qu’il m’est possible de présenter tous les examens de la deuxième année, c’est-à-dire des deux semestres, à la session de rattrapage en juin, ce qui m’éviterait d’avoir à me déplacer deux fois. Dans le même temps, présenter une vingtaine d’examens sur deux semaines, est ambitieux. Je réfléchis donc…


Des missions de consulting en marketing


La roue tourne, elle tourne toujours. C’est un peu mon mantra car je suis convaincue que la vie est faite de vicissitudes, de réussites, d’échecs, puis de nouvelles réussites et ainsi de suite. C’est ainsi que je me suis vu proposer il y a six mois des missions de marketing en tant que consultante. Création de page web, de prospectus, de cartes de visite, organisation de salon professionnel, analyses d’industries, ne sont que quelques exemples des tâches que j’ai effectuées. La limite ? De la même façon que pour les cours de français, les missions ne sont pas régulières.


Le blog


Enfin il y a le blog ! J’ai dû le mettre entre parenthèses durant les six derniers mois car j’avais du mal à tout mener de front entre mes missions de consultante, la licence et ma préparation intensive pour courir le marathon de Paris en avril, mais c’est un projet qui reste central pour moi.


Sa limite est bien-sûr qu’il ne me génère aucun revenu : je tiens à le préciser car je sais que certains lecteurs pensent que j’en vis. Le blog n’est pas affilié, vous n’y voyez aucune publicité, je n’ai jusqu’alors écrit aucun article sponsorisé et s’il m’a permis de me faire un peu connaître et ainsi de pouvoir écrire pour certains médias, je n’ai rien touché.


Ceci étant dit, ça ne signifie pas que je compte le laisser tomber. Comme je l’ai déjà souligné, j’écris par passion et rien ne me fait plus plaisir lorsque je reçois des messages de lecteurs qui me disent que l’article leur a été utile ou a tout simplement eu un écho en eux. Toute récompense n’est pas forcément financière, même si je vous l’accorde, il faut bien pouvoir mettre un steak dans son assiette à la fin du mois.


En définitive, A French in Mexico n’a pas dit son dernier mot et de nouveaux articles sur l’expatriation, la culture mexicaine, et les voyages au Mexique seront publiés dans les prochains mois.


 

Voici donc un aperçu de ce que j’ai pu faire pendant trois années au Mexique. En suis-je satisfaite ? La réponse est, en toute honnêteté, non, mais une chose est certaine, j’essaie de faire de mon mieux et de composer. Composer avec ce qui m’entoure, composer avec la réalité de ma vie d’expatriée.


Au-delà de la dimension professionnelle à proprement parler, j’ai fait d’autres choses : courir deux marathons en est un exemple (c’est en expatriation que je me suis mise à la course), prendre des cours de danse, me faire opérer d’un hallux-valgus au pied (une nouvelle opération est à prévoir…), faire une vidéo-conférence auprès de lycéens sur le thème de la femme en France et au Mexique et je viens tout juste de débuter le yoga.


Dans un prochain article, je vous partagerais mes expériences incongrues au Mexique : la fois où j’ai été contactée via LinkedIn pour être « nanny » de deux chérubins parce-que la maman avait vu que j’avais été directrice adjointe de crèche en France, ou la fois où on voulait à tous prix que je travaille dans un call-center parce-que je parle français (rémunérés 275€/mois), ou bien encore la fois où on m’a fait faire un test de grossesse durant un entretien d’embauche (si si, c’est bien vrai). Eh oui, la vie d’expatriée peut parfois se révéler surprenante.


En attendant, voici quelques liens d’articles publiés sur le blog à propos de l’expatriation qui pourraient peut-être vous intéresser.

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