On me pose souvent des questions sur les coutumes mexicaines et sur ce qui y est différent par rapport à la France. C’est toujours difficile de répondre car le sujet est vaste et il est facile de tomber dans l’écueil de comparaisons qui n’ont pas d’intérêt et ne font pas vraiment sens. Comparer le Mexique et la France, c’est un peu comme comparer un éléphant à une girafe : les deux sont très différents et les mettre en perspective l’un par rapport à l’autre n’est pas franchement utile. J’ai néanmoins décidé de me confronter à l’exercice en soulignant dix aspects (non-exhaustifs) de différenciation entre la France et le Mexique, tout en essayant de ne pas tomber dans des jugements schématiques et réducteurs.
1 – La séparation des genres
Au Mexique, la séparation des genres, ainsi que les inégalités entre hommes et femmes, est plus prononcée qu’en France. Il y a encore peu de dispositifs pour les mères qui souhaitent continuer à travailler, et bien que de plus en plus de femmes aient une activité professionnelle, le schéma traditionnel de la femme au foyer et de l’homme au travail perdure. On ne verra jamais au Mexique un homme qui fait le choix de rester à la maison pour élever ses enfants. La vision traditionnelle mexicaine est celle d’un homme qui travaille car il doit subvenir aux besoins de sa famille, il doit pourvoir économiquement le foyer, tandis que la femme est en charge de la bonne tenue de la maison et de son intendance.
La société change, petit à petit, et je ne promeus pas l’idée que la femme doit avoir une activité salariée. Selon moi, le plus important est que chaque femme soit libre de choisir ce qui lui convient. Chaque couple est différent et je suis toujours assez choquée d’entendre en France des commentaires du type « non mais elle est femme au foyer… » sur un ton condescendant comme si c’était une tare. La liberté c’est le choix. Pour en savoir plus sur la séparation des genres au Mexique, je vous invite à lire l’article Être une femme en France et au Mexique.
2 – La conception de la famille
Dans la continuité de la répartition traditionnelle des rôles masculins et féminins exposés ci-dessus, la conception de la famille au Mexique suit généralement le schéma suivant : une figure maternelle protectrice et enveloppante d’une part, et une figure paternelle « leader », assurant la sécurité financière de son foyer d’autre part.
En règle générale, la mère est une figure centrale au Mexique : on l’adore, on la respecte, c’est elle qui donne la vie et même si tout cela semble « évident », la seule célébration de la fête des mères montre à quel point la « madre » est presque vénérée. Lorsqu’on fait preuve d’attentions en France, les enfants mexicains mettent les petits plats dans les grands et ce même parvenus à l’âge adulte, en invitant par exemple leur mère au restaurant, en passant la journée avec elle, etc…Le père est quant à lui le chef du foyer, le responsable, celui sur qui l’on compte, ce qui génère indéniablement une forte pression sur les hommes. Peut-être est-ce pour cela que les femmes et les hommes tendent tellement à se séparer dans la vie quotidienne, au sens de se réunir avec des personnes du même sexe. Il est très commun au Mexique de voir des soirées « entre hommes » ou « entre femmes » et même si ça existe en France, c’est dans une bien moindre mesure. En France, la mixité est plus forte.
3 – Le rapport au temps
Dans chaque société, le rapport au temps est différent, variable, relatif. Le simple mot « vite » n’aura pas le même sens en France et au Mexique. En effet, qu’est-ce-que signifie « vite » ? Au Mexique, en règle générale, le rythme est plus lent qu’en France. Les gens prennent plus leur temps et lorsque quelqu’un vous dit « ahorita », sachez que ça ne signifie pas « maintenant » au sens littéral. « Ahorita » peut vouloir dire demain, voire même plus tard. Dans un contexte professionnel, les Mexicains sont à l’heure mais leur rythme de travail est plus « soft » je dirais (j’exclus ici les ouvriers, personnels soignants, etc…je me réfère plus aux employés de bureau) même si les journées sont aussi plus longues. Dans un contexte amical et familial, le retard est monnaie courante. Un retard classique sera de 30 minutes à une heure mais j’ai déjà vu des retards de deux heures : c’est pour cela que j’ai tendance à ne plus recevoir chez moi ou bien à faire scrupuleusement ma liste d’invités. Au contraire, en France nous sommes plus ponctuels. Soyons honnêtes : nous n’arrivons pas avec deux heures de retard chez des amis qui nous ont invité pour le dîner à moins d’avoir eu un gros pépin. Dans le même temps, les Français sont plus « accélérés », en particulier dans la capitale. Ils ont souvent tendance à courir partout même si là encore, il ne faut pas généraliser. Je suis personnellement fière de pouvoir dire de la Parisienne que je suis que je n’ai jamais couru après un métro !
4 – L’heure des repas
De la même manière que le rapport au temps est différent, l’heure des repas l’est également. Le petit-déjeuner étant plus copieux qu’en France, les Mexicains ont tendance à déjeuner plutôt vers 14h-15h qu’à 12h-13h. Bien que la société évolue, le déjeuner est en règle générale le repas le plus important et un moment familial tandis que le dîner se prend sur le pouce, individuellement. En France, au contraire le dîner est le moment privilégié de la famille et on a tendance à véritablement cuisiner. Pour en savoir plus à ce sujet, voir l’article les repas au Mexique.
5 – Les anniversaires
Lorsque l’on célèbre les anniversaires en France, on les glorifie presque au Mexique. Celui dont c’est l’anniversaire reçoit une multitude de messages et d’appels. Ses collègues de travail lui achètent un gâteau et décorent son bureau. Puis l’anniversaire est fêté en famille, puis entre amis, puis avec d’autres amis, etc…Des cadeaux ne sont pas forcément faits mais dans tous les cas, les célébrations, au restaurant ou à la maison, sont multiples. C’est ce que j’appelle en anglais un « big deal » lorsqu’en France, même si on fête les anniversaires, ils n’ont rien d’un « big deal ». Pour vous donner une idée, un ami a récemment fêté trois fois son anniversaire (entre amis, avec un plus petit groupe d’amis et en famille) tandis que mon beau-père qui vient d’avoir 60 ans a été célébré par des personnes différentes durant sept jours consécutifs.
Enfin, petit mot à propos de la quinceñera à laquelle je consacrerai un article ultérieurement : c’est un anniversaire particulier qui consistait autrefois à introduire la jeune femme, lorsqu’elle fêtait ses 15 ans, dans la société. Ses parents lui organisaient alors une réception. Aujourd’hui, bien que cette tradition ait perdu de son sens, elle est encore célébrée par de nombreuses familles mais relève plus, selon moi, du combo marketing/surconsommation/ma fille est une princesse. Certaines familles dépensent plus que pour un mariage dans ce type de réception et j’avoue que le spectacle de jeunes filles de 15 ans attifées d’une robe meringue rose en tulle « made in China » déambulant dans le centre commercial avec un diadème dans les cheveux me laisse perplexe. Et je ne parle pas du hummer (limo géante) dans lequel elle déambule avec ses camarades. En définitive, les coutumes sont bien-sûr à respecter mais dans ce cas précis, la quinceñera n’a plus grand-chose à voir avec son intention originelle et pour cause, la société a changé.
6 – La religion
Le Mexique est un pays profondément catholique, héritage laissé par la colonisation espagnole. Il y a peu d’autres religions présentes (bien que l’on observe des communautés protestantes) car les immigrés viennent en grande partie d’Amérique du Sud où la religion majoritaire est également catholique. Mais concrètement, qu’est-ce-que cela signifie être profondément catholique ? Au Mexique, ça veut dire être pratiquant, se rendre régulièrement à la messe, faire partie de la vie d’une église en particulier et de sa communauté, y être actif. Cela signifie aussi tout simplement avoir la foi, foi que l’on retrouve dans le langage de tous les jours au travers d’expressions telles que « Que dios te bendiga » (« Que Dieu te bénisse) ou « Si Dios quiere » (« Si Dieu le veut »). Contrairement à la France où il y a beaucoup d’athées et où se côtoient différentes religions (islam, judaïsme, protestantisme…) le Mexique affiche une foi catholique presque généralisée et il peut se révéler mal vu d’aller à l’encontre de cette croyance et/ou d’afficher une différence de perspective.
7 – Le rapport à la mort
Un paragraphe ne suffirait pas à définir le rapport entretenu avec la mort au Mexique mais de façon synthétique, on peut dire que la mort n’y est pas vécue comme une fatalité. C’est bien-sûr un événement qui provoque de la tristesse chez ceux qui ont perdu un être cher, mais on l’aborde avec plus d’ouverture qu’en France. Chaque année, le 2 novembre, le « día de muerto » est ainsi l’occasion de célébrer les morts, de rappeler leur mémoire, de partager un repas en famille sur la tombe du défunt. On peut y voir des gens pleurer bien-sûr mais on y voit aussi de la joie : joie d’être en famille et de se remémorer les instants vécus avec l’être qu’on a perdu. Pour en savoir plus à propos de cette tradition, voir l’article El Día de los muertos : le Jour des Morts au Mexique.
8 – La conduite
Quand on fait ses premiers pas au Mexique, on se demande si les gens ont obtenu leur permis de conduire dans une pochette surprise et pour cause, son obtention n’est pas vraiment régulée. Contrairement à la France qui exige un minimum d’heures de conduite dans une école agréée, unique moyen pour pouvoir se présenter à l’examen, le Mexique n’exige pas grand-chose. J’ai été témoin de personnes présentant leur permis sur une voiture automatique après seulement 5 heures de conduite : ça laisse imaginer le résultat…Ça vous double par la droite, ça ne met jamais son clignotant, ça roule à tout berzingue, ça vous fait des queues de poisson, ça vous klaxonne sans arrêt (on vous forcerait presque à commettre une infraction), ça vous colle au train, bref c’est rock’n’roll. S’ajoute à cela la mauvaise qualité des routes, les nids de poule, les nombreux dos d’âne (pas peints je précise, histoire d’être bien surpris et de détruire sa voiture) et autres surprises dont seul le Mexique a le secret. Petit détail concernant les feux : ils sont généralement placés après le carrefour comme aux Etats-Unis et non avant comme en France. Après trois années d’expatriation au Mexique je ne dirais pas que je me suis habituée au rodéo des routes mexicaines mais je « gère ».
9 – Les transports
Pour se déplacer au Mexique, une voiture est presque toujours nécessaire. Mexico, la capitale, bénéficie d’un métro (si vous pensez cependant que le métro parisien est saturé, vous n’avez rien vu) et de bus mais en réalité très peu de ville disposent d’un dispositif de transports en commun. Si je prends l’exemple de Monterrey, il y a un métro qui ne couvre qu’un périmètre réduit de la ville et qui n’est pas franchement sûr. Il y a également des bus mais qui souffrent d’un manque de maintenance et qui ne sont pas réguliers. En réalité, le gouvernement n’œuvre pas concrètement au développement des transports en commun alors même que, dans le cas de Monterrey, la ville est asphyxiée par la pollution. Pour développer les transports, il faut des moyens (qui ne soient pas constamment détournés à d’autres fins), il faut une volonté, il faut une prise de conscience commune, du pouvoir…la liste est longue. Comme je le mentionnais par ailleurs dans l’article sur les inégalités sociales au Mexique, les classes sociales ne se mélangent pas : on observe le contraire dans le métro parisien par exemple où la mixité est forte. L’alternative est donc la voiture : il peut s’agir d’un véhicule personnel (certaines familles ont parfois jusqu’à trois voitures) ou de l’usage de services de type Uber, taxis et consorts.
10 – Corruption et vie politique
Très vaste sujet, bien-sûr impossible à résumer en un paragraphe mais qu’il me semble néanmoins important de souligner. Même si chaque pays est confronté à la corruption c’est à des degrés différents et ce degré est malheureusement élevé au Mexique. Selon l’agence Transparency International, le Mexique possédait en 2018 un score (du niveau de corruption du secteur public perçu) de 28% (le 0 représentant le niveau plus élevé de corruption) contre 72% pour la France. À titre indicatif, les pays les moins corrompus du classement sont le Danemark (88%), la Nouvelle-Zélande (87%) et la Finlande (85%) tandis que les pays considérés comme les plus corrompus sont la Somalie (10%), le Sud-Soudan (13%) et la Syrie (13%). Or la corruption affaiblit les démocraties. En réalité, c’est un cercle vicieux car la corruption met à mal les institutions démocratiques, qui affaiblies, sont en incapacité de lutter contre la corruption. Cela se manifeste concrètement par un détournement de l’argent versé par le contribuable, un « manque de moyens » des pouvoirs publics, un faible niveau d’éducation, une santé publique mise à mal, un manque d’infrastructures…
Voici donc dix aspects majeurs de différenciation entre la France et le Mexique qui montrent à quel point la vie et le quotidien y sont différents. L’un n’est pas « mieux » que l’autre. Il ne s’agit pas de les mettre en concurrence car jamais rien n’est tout blanc ou tout noir. Chaque pays a ses avantages et ses inconvénients et ce qui importe alors, c’est d’évaluer ce que nous valorisons le plus. L’essentiel est de définir nos priorités, ce sans quoi nous sommes incapables de vivre et au contraire les aspects où nous sommes prêts à lâcher du lest. Je connais des Français qui seraient incapables de vivre au Mexique comme je connais des Mexicains qui seraient incapables de vivre en France. Parfois, pour certains, le fossé est trop grand. Il l’est pour moi certains jours. Je crois qu’il peut se ressentir dans la vie de tout expatrié. Mais le jour suivant, on relativise et on valorise alors ce qu’on a. C’est aussi ça, la vie d’expatrié.