Chers lecteurs, vous êtes nombreux à me solliciter sur les réseaux sociaux à propos de recommandations de chanteurs, réalisateurs et auteurs mexicains. Je vous propose donc ici une compilation (complètement subjective) de références culturelles locales dans laquelle vous pourrez puiser à votre guise. Musique, cinéma, podcasts…c’est varié. Néanmoins je risque de vous décevoir côté littérature car je lis essentiellement des auteurs français et américains et si je connais quelques grands noms de la littérature mexicaine (Carlos Fuentes, Octavio Paz) je ne les ai pas lus. Mais je n’exclue pas de faire une interview d’un adepte de littérature mexicaine sur le blog qui sera plus à même d’aborder le sujet que moi. Enfin, aspect important de ce post, il s’agit de recommandations contemporaines.
Côté musique
* Natalia Lafourcade : mon véritable coup de cœur.
Si vous ne la connaissez pas, je vous invite à écouter les chansons de Natalia Lafourcade. Née dans la capitale mexicaine en 1984 de parents musiciens, Natalia Lafourcade sort son premier disque en 2002. C’est le début d’une carrière qui ne cessera d’évoluer et d’une notoriété qui est aujourd’hui internationale. Certains qualifient son style de folk, d’autres de pop-rock, d’autres encore d’indie-pop. C’est qu’il est difficile de ranger la musicienne dans une case car son style a beaucoup évolué depuis ses débuts. Son premier album éponyme est plutôt pop tandis que le second, Hu Hu Hu est plus expérimental par exemple. Plus proche de nous, dans Hasta la Raíz, en 2015, les accents sont clairement plus folks. Enfin, ses deux derniers disques, intitulés Musas, sont des hommages au folklore latinoaméricain où elle réinterprète des classiques et c’est de toute beauté. Je vous recommande plus particulièrement les titres suivants : Hasta la Raíz, Nunca es suficiente, Tu si sabes quereme, Soledad y el Mar, Mexicana Hermosa, Soy lo Prohibido…
* Café Tacvba : ovni musical.
Je ne suis pas une adepte de Café Tacvba (prononcez la « v » comme un « u » en espagnol qui donne le son « ou ») mais c’est un incontournable. Originaire de Ciudad Satellite dans la banlieue de la capitale mexicaine, le groupe naît en 1989 mais commence à se faire véritablement connaître en 1992. Influencés dans un premier temps par le rock alternatif de The Cure, The Clash ou encore The Smiths, les musiciens prennent le parti d’incorporer des tonalités mexicaines dans leurs compositions et c’est ce qui fait la singularité de Café Tacvba. En outre, ils n’hésitent pas à expérimenter de nouveaux rythmes et à sortir de leur zone de confort en mêlant parfois du ska (genre musical jamaïcain précurseur du reggae) et du hip hop. En définitive Café Tacvuba est un monde musical à part que l’on a tendance à adorer ou détester, sans compter que le chanteur a une voix peu commune.
* Los Angeles Azules : la version mexicaine de la cumbia.
Los Angeles Azules (“Les Anges Bleus”) est un groupe lancé par quatre frères (d’une fratrie de huit) au début des années 80. Je ne vais pas m’étendre sur leur histoire qui serait vraiment longue à raconter mais l’important à en dire est que leur genre musical est la cumbia empruntée à la Colombie. Encore aujourd’hui ils bénéficient d’une forte popularité et n’hésitent pas à inviter d’autres artistes (comme Natalia Lafourcade par exemple) lors de leurs concerts. Parmi leurs titres les plus connus il y a Como te voy a olvidar, El listón de tu pelo, Mis sentimientos…
* Los Tigres del Norte
Voici une “banda” bien originaire du nord du Mexique composée de quatre frères et d’un de leurs cousins qui quittèrent l’Etat de Sinaloa pour s’installer de l’autre côté de la frontière à San José, Californie, en 1968. Aujourd’hui citoyens américains, ils ont consacré une part importante de leur musique aux immigrés sans papiers. Bien que ce n’est pas le type de musique que j’écoute, Los Tigres del Norte sont incontournables parce-que leurs chansons dépeignent le Mexique contemporain, de la vie des agriculteurs à la corruption politique, de la situation fragile des immigrés aux problèmes générés par le narcotrafic. Durant la dernière édition du Super Bowl, une vidéo d’eux a été diffusée rendant compte de la passion de beaucoup d’hispanophones pour l’événement sportif nord-américain. Los Tigres del Norte font définitivement partie des artistes latinoaméricains les plus importants. Voici quelques-uns de leurs titres majeurs : Jefe de Jefes, La Jaula de Oro, Tres veces mojado, De paisano a paisano…
Côté cinéma : 3 films pour s’initier au Mexique contemporain.
* Matando Cabos
Réalisé en 2004 par Alejandro Lozano, Matando Cabos raconte l’histoire de deux cadres devant remplir la mission cocasse de ramener leur chef sain et sauf chez lui et qui, par un concours de circonstances rocambolesques, s’est retrouvé enfermé dans le coffre de sa voiture en sous-vêtements. Le film incarne véritablement cette étrange alchimie entre rire et tragédie typique du Mexique. C’est noir, c’est obscur, les événements prennent une tournure de plus en plus dramatique mais c’est malgré tout l’humour qui prédomine et tout y est tourné en dérision. C’est difficile à expliquer mais ça va au-delà de l’humour noir. Tout au long de leur histoire, les Mexicains ont vécu (et vivent encore) des tragédies et leur pays repose sur des bases politiques fragiles (pour ne pas employer d’autres termes). Face à cela, la réaction dominante n’est pas la manifestation (il faut dire qu’elle est vite réprimée) mais le rire, la dérision, et Matando Cabos le démontre parfaitement.
* La dictatura perfecta
Tourné en 2014, La dictatura perfecta est une satire politique du réalisateur Luis Estrada. Le titre fait référence à la dictature parfaite évoquée par l’écrivain péruvien Mario Vargas LLosa et elle désigne dans le cas du film les gouvernements successifs du PRI (Partido Revolucionario Institucional) qui domina le paysage politique mexicain durant la plus grande partie du XXe siècle. Plus précisément, La dictatura perfecta dénonce (sous le couvert de l’humour) le gouvernement d’Enrique Peña Nieto, alors Président du Mexique, ainsi que le réseau de corruption qu’il établit avec Televisa, l’entreprise de médias de communication la plus importante du continent américain. Le film met en scène la façon dont le Président contrôle Televisa et s’inspire d’un fait divers réel. Mais je n’en dis pas plus. Je le recommande vivement car il permet vraiment, à mon sens, de mieux comprendre certains rouages du Mexique. C’est paradoxalement triste et drôle à la fois.
* El infierno
Du même réalisateur que La dictatura perfecta, El infierno, tourné en 2010, donne à voir les problématiques générées par le narcotrafic et le crime organisé mexicain. Là encore il s’agit d’une satire politique dirigée contre le gouvernement de Felipe Calderón Hinojosa alors Président du Mexique. C’est un film difficile, cru, violent qui met en images ce que l’on sait sans le savoir. Tout le monde est conscient des ravages du narcotrafic au Mexique mais le voir en images c’est différent. Le réalisateur ose montrer la corruption, le danger, les enjeux pécuniers, mais surtout à quel point c’est la population qui en pâtit. Je le recommande mais je le répète, certaines scènes sont difficiles à soutenir.
Trois réalisateurs emblématiques du cinéma mexicain contemporain
Impossible de parler de films sans évoquer quelques réalisateurs majeurs du cinéma mexicain contemporain.
* Alejandro González Iñárritu
Détenteur de cinq oscars, à 57 ans Alejandro González Iñárritu est l’un des cinéastes mexicains les plus reconnus au monde. Si son nom ne vous dit rien voici quelques films qui devraient faire écho en vous : Babel (avec notamment Brad Pit et Cate Blanchett) c’est lui, Birdman (avec Michael Keaton, Emma Stone et Edward Norton) c’est lui, The Revenant (avec Leonardo Dicaprio) c’est encore lui.
Exclu du lycée à 17 ans, Iñárritu embarque comme marin à bord d’un bateau cargo puis vit durant un an en Europe. À son retour à Mexico, il intègre l’université Iberoamericana où il étudie la communication. Il débute sa carrière à la radio puis devient le plus jeune producteur du groupe Televisa. C’est sa rencontre avec l’écrivain Guillermo Arriaga qui l’amène au cinéma et il est à cet égard récurrent que les deux hommes élaborent les scénarios à quatre mains. Récits parallèles et prédestination sont des thèmes récurrents chez le réalisateur.
* Alfonso Cuarón Orozco
Né en 1961 à Mexico de parents scientifiques, Alfonso Cuarón se dirige vers des études de philosophie et de cinéma. Il débute à la télévision mais évolue très rapidement, en 1991, vers le grand écran. Voici quelques titres qui devraient vous rappeler quelques souvenirs : Harry Potter et le Prisonnier d’Azkaban (2004), Les Fils de l’homme avec notamment Clive Owen et Juliane Moore (2006), Gravity qui met en scène Georges Clooney et Sandra Bullock (2013) et plus proche de nous Roma (2018) que j’ai mentionné dans l’article Trois femmes mexicaines font entendre la voix de Oaxaca et qui a remporté le Lion d’Or à Venise entre autres récompenses. En réalité, il n’est pas un seul film d’Alfonso Cuarón qui n’ait remporté de récompense, aussi différentes soient ses réalisations. Cuarón est un directeur versatile, n’hésitant pas à explorer de nouveaux thèmes, à innover et à se mettre en danger, et il semble que ce soit sa plus grande force.
* Guillermo Del Torro Gómez
Né à Guadalajara en 1964, Guillermo del Torro reçoit une éducation catholique stricte. Il entreprend des études de cinéma et de maquillage professionnel destiné aux effets spéciaux qui l’amènera notamment à fonder Necropia, sa propre entreprise de maquillage artistique pour le cinéma. Son répertoire cinématographique est vaste : adaptation de comics tels que Blade II (2002) et Hellboy (2004), film d’horreur comme L’Echine du Diable (2001) mais aussi et surtout films fantastiques. Il est ainsi recruté par Peter Jackson en 2008 pour diriger Le Hobbit adapté du roman de J. R. R. Tolkien et est principalement connu pour Le labyrinthe de Pan (2006) et La forme de l’eau (2017), tous deux acclamés par la critique et multiplement récompensés.
Les réalisations de Guillermo del Terro allient souvent le féerique à l’horreur et l’on va jusqu’à trouver de la beauté dans le grotesque. Ça me rappelle beaucoup cette citation de Baudelaire qui renvoie à l’alchimie poétique : « J’ai pris ta boue et j’en ai fait de l’or. » C’est bien de cela dont il est question dans les films de Del Torro.
En VRAC...
* Une chronique : Las Crónicas del Taco.
Disponible sur Netflix, Las Crónicas del Taco vous emmènent pour un voyage culinaire en terres mexicaines et vous révèle tout sur le met emblématique du Mexique : les tacos. Si vous pensiez que le taco était une simple tortilla garnie, cette chronique devrait vous surprendre.
* Un podcast : Leyendas Legendarias.
Les podcasts mexicains sont bien-sûr nombreux et c’est donc tout à fait subjectivement que je vous recommande d’écouter Leyendas Legendarias (« Légendes légendaires » ). En réalité ce n’est pas un podcast que j’apprécie mais si j’en parle ici c’est parce-que je trouve qu’il est très représentatif de l’état d’esprit mexicain.
Créé par Antonio Badía et Eduardo Espinosa, originaires de Ciudad Juarez dans l’Etat de Chihuahua, c’est un podcast hebdomadaire où chaque épisode relate et analyse, avec une forte dose d’humour noir, un crime, un phénomène paranormal, un événement historique, qu’il soit notoire ou moins connu du grand public, et qui ont pour dénominateur commun d’être des « leyendas legendarias » dans le sens où elles ont un caractère incroyable, qui sort de l’ordinaire.
La forme du podcast repose sur cette vieille tradition de se réunir avec des amis autour du feu pour se raconter des histoires d’horreur et réveiller en nous une sorte de goût malsain pour le morbide. Dans le même temps, chaque épisode est très bien documenté.
Les histoires semblent parfois hallucinantes et pourtant…Attention, je tiens à le repréciser : l’humour y est très noir.
* Une chaîne Youtube : El Pulso de la Republica.
El Pulso de la Republica (« Le Pouls de la République ») est une chaîne Youtube animée par Chumel Torres où ce dernier s’emploie à présenter l’actualité chaque semaine sous un angle sarcastique. Sous le ton de l’humour, Chumel Torres pointe les incohérences des décisionnaires, la corruption à l’œuvre, les fake news, etc…
Alors qu’il animait un programme sur HBO Amérique Latine depuis 2016, la chaîne a pris la décision d’y mettre fin en juin dernier suite à des propos de Chumel Torres sur les réseaux sociaux interprétés comme racistes. Que s’est-il vraiment passé ? Le comédien a employé la métaphore d’un « chocoflan » (gâteau au chocolat surmonté d’un flan) pour désigner le plus jeune fils du couple présidentiel mexicain. Que cela signifie-t-il au Mexique ? Généralement, l’expression « chocoflan » est utilisée pour désigner quelqu’un qui vient de se teindre les cheveux en roux même si à l’origine il servait à désigner des personnes s’étant teint seulement la pointe des cheveux dans une autre couleur. Est-ce une insulte ? Ce n’est bien-sûr pas correct d’employer ce genre d’expression mais ça dépend aussi du contexte. Entre amis pour rire ça peut passer. En dehors de ce cadre, ça devient offensant. Est-ce raciste ? Là on s’engage dans un autre débat. Quoiqu’il en soit, je vous invite à découvrir ses épisodes sur Youtube qui montrent une certaine face du Mexique.
Il m’est difficile de conclure cet article car il existe des milliers d’autres références et mes recommandations sont loin d’être exhaustives. Je suis consciente que vous m’avez aussi demandé des séries or je ne regarde pas de série mexicaine. Je peux néanmoins vous partager quelques titres de la part d’amis mexicains (elles sont toutes disponibles sur Netflix) : Narcos, Club de Cuervos, La Casa de las Flores, Monarca…
Je ne manquerai pas d’écrire de nouveaux articles avec d’autres recommandations dans le futur et si vous en voulez déjà plus, je vous invite à lire le post Trois femmes mexicaines font entendre la voix de Oaxaca.