Ce fut un noël bien particulier cette année…Pour ceux qui me suivent sur Instagram, vous savez qu’Andy s’est vu affecté du COVID-19 et qu’il a donc dû s’isoler. Pendant dix jours complets nous avons vécus « séparés », lui dans la chambre et moi dans le séjour, chacun disposant de notre propre salle de bain, puis nous avons passé le 24 décembre via Skype. J’ai réalisé ce soir-là combien cet instant – lui et moi via écrans interposés et pourtant sous le même toit – symbolisait à lui tout seul l’année écoulée : nous vivions la parfaire métaphore de la distanciation sociale.
Tout avait commencé huit jours plus tôt.
Le 16 décembre, Andy m’informe que malgré les précautions d’hygiène prises au travail depuis le début de l’année, l’un de ses employés vient d’être testé positif au COVID-19 et que bien-sûr l’ensemble de l’équipe présente au bureau (cinq autres personnes incluant Andy) va donc se faire tester à son tour. Le lendemain, 17 décembre donc, le verdict tombe : deux autres employés sont positifs. Andy, lui, est négatif. Oui mais…nous ne sommes pas à l’abri de la période d’incubation…Voici que le 18 au soir, il commence à avoir de la fièvre et à légèrement tousser. Il se plaint d’avoir eu mal à la tête toute la journée et d’avoir des courbatures. Nous prenons donc la décision de nous séparer : il garde la chambre et je prends le séjour.
Samedi 19, il repart se faire tester : sans surprise, le résultat est positif. J’ai beau savoir qu’Andy est jeune et qu’il a une excellente condition physique, je suis malgré tout inquiète. Les pensées se bousculent dans mon esprit. J’ai un rendez-vous Skype prévu avec ma mère quelques minutes plus tard et en voulant me dépêcher j’enchaîne les bêtises. Je mets le café dans la cafetière en oubliant le filtre, puis je lance la machine sans avoir mis le couvercle sur la verseuse…Résultat : le café est tout transparent et infame, je dois en préparer un autre. Alors que je récupère mon ordinateur, je m’aperçois qu’il n’a pas chargé pendant la nuit, et pour cause, il n’était pas branché. Enfin au moment de me connecter, alors que je me hisse sur un tabouret de la cuisine, je me déglingue le genou sur une poignée de tiroir. Vue de l’extérieur, je sais que la scène est à mourir de rire mais j’ai envie de pleurer. Je suis fatiguée, agacée, en colère et surtout désespérée. On a pris tellement de précautions durant l’année…à quoi bon me dis-je sur le moment ?
Nous avions prévu une nuit dans une cabane à deux heures de Monterrey alors bien-sûr nous annulons et nous réalisons que nous ne pourrons pas fêter noël ensemble. Puis nous mettons en place un « protocole » afin d’éviter qu’Andy ne me transmette le virus : je lui dépose ce dont il a besoin à la porte, puis je récupère les plats etc…en portant un masque N95 avant de les laver immédiatement. Dans la mesure où je suis peut-être en période d’incubation, je ne quitte pas l’appartement et me fais tester trois jours plus tard : je suis négative. Comme les symptômes d’Andy sont très légers et ne se limitent qu’aux deux premiers jours, je me dis que le tableau pourrait être plus dramatique et j’essaie de relativiser. Oui mais voilà, j’en ai marre de relativiser. Comme tout un chacun, j’en ai par-dessus la tête de l’année écoulée, je suis fatiguée, physiquement et moralement, et il me semble que ça ne va jamais s’arrêter. Evidemment ce n’est dans le fond pas grave de ne pas être réunis pour noël, nous ferons notre réveillon plus tard et bien-sûr, comme beaucoup me le soulignent, oui, il y a des situations plus graves, des personnes qui ont perdu des êtres chers cette année et j’en passe. Comme si la misère du monde était destinée à me faire sentir mieux…
Toute l’année Andy s’est vu très exposé au virus : son travail implique des visites dans des usines de production, usines où les cas de COVID-19 furent nombreux et où beaucoup en sont morts. Il ne les a jamais mentionnés, il ne veut pas « inquiéter » et il sait que je sais. Ça n’a pas besoin d’être dit. À chaque fois, il a pris les mesures qui s’imposaient : masque N95, visière en plastique, etc. Au bureau tout a également été mis en place pour protéger les employés mais le risque zéro n’existe pas. Et pour être honnête, nous ne sommes pas parfaits. Nous avons pris l’avion deux fois pour la capitale afin de visiter des appartements (voir les articles On a failli acheter un appartement à Mexico et Nous n’achèterons pas à Mexico ?), visites couplées avec le travail d’Andy qui impliquait des visites de clients (c’est-à-dire visites d’usines). Et puis nous avons fait un week-end entre amis dans une cabane ainsi que quelques petits-déjeuners post-running le dimanche quand la situation s’était un peu calmée. Cela démontre en définitive qu’il nous est arrivé de prendre des risques même si le risque en soi nous a toujours paru « mesuré » et « raisonnable » au vu des personnes que nous avons fréquenté (toujours les mêmes et qui prennent les mêmes précautions que nous). Nous ne sommes pas parfaits mais nous avons essayé de faire du mieux que nous pouvions. Nous avons annulé nos trois semaines de road-trip prévues en Nouvelle-Angleterre en octobre, nous avons drastiquement limités nos déplacements (je n’ai pas quitté Monterrey si ce n’est pour les visites à Mexico) et tout cela n’est pas sans conséquences sur le moral.
Installation dans le séjour (avec le gâteau apporté par les amis)
Je mentirais donc si je disais que nous ne terminons pas l’année un peu sur les rotules et je suis agacée (pour ne pas employer un autre terme) que le virus ait été introduit par une personne qui ne parvient pas à se passer de ses barbecues familiaux… La situation sanitaire est à nouveau très critique au Mexique, les hôpitaux ne sont pas loin d’être saturés et nous avons pris la décision avec Andy d’éviter les réunions avec qui que ce soit qui refuse de porter un masque. Mais la colère est vaine, elle ne mène nulle part si ce n’est à nous-mêmes et à notre désespoir. Elle empêche d’avoir les idées claires, elle fait obstacle à la gratitude, elle cache les belles choses qui nous entourent, elle abuse de nous-mêmes.
Andy et moi en février 2020, peu avant le début de la pandémie au Mexique
Le dénouement de cette infortune est que malgré les difficultés accumulées cette année notre santé est bonne. Andy n’a toujours pas complètement récupéré de sa fracture de stress mais c’est en bonne voie, nous avons nos deux poumons pour respirer, deux jambes pour marcher et un cœur qui bat. On pourrait faire le compte de ceux qui ont vécu « pire » que nous, pratique commune au Mexique où le relativisme semble être le traitement à tout malheur mais j’avoue ne pas trop aimer cette façon de faire. Ce n’est pas parce-que d’autres vivent des choses plus difficiles que je vais me sentir mieux. Au contraire, j’aurais plutôt de la peine. Au lieu de ça, je prendrais le parti d’être un peu philosophe et d’accepter les choses telles qu’elles sont. J’ai prévu mon réveillon de noël samedi avec Andy et j’aime l’idée qu’en définitive il n’y a pas de règles. Aujourd’hui l’année s’achève et nous avons de nombreuses pages blanches devant nous : à nous de les écrire.
Je vous souhaite une très belle année à tous et vous remercie pour le soutien que vous apportez au blog juste parce-que vous me lisez. Prenez soin de vous.
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