J’écris cet article depuis un hôtel situé dans la rue Hamburgo à Mexico, la rue où Andy et moi allions acheter un appartement et la raison pour laquelle je me trouve dans la capitale alors que nous sommes en pleine pandémie : signer des papiers auprès d’un notaire à distance n’était tout bonnement pas possible. Néanmoins rien ne s’est déroulé comme prévu et en définitive nous n’avons pas signé la promesse d’achat : on a juste failli. Voici le récit d’une histoire abracadabrantesque qui a débuté il y a trois mois.
[Si vous êtes à la recherche d'informations sur Mexico, je vous invite à lire À la découverte de Mexico.]
La décision de déménager à Mexico
Ça faisait des mois – oserais-je dire années ? – qu’Andy et moi n’étions pas pleinement satisfaits par notre vie à Monterrey et pourtant nous étions comme « retenus » de passer le cap d’un véritable changement. La décision n’aurait appartenu qu’à moi j’aurais déménagé il y a bien longtemps mais des motifs professionnels rattachaient Andy à Monterrey. Lorsque l’on est à la tête de son propre business les implications de partir ne sont pas les mêmes que pour un employé qui donne sa démission. Le temps passant et nous voyant « bloqués » à Monterrey je me suis à mon tour lancée dans l’entreprenariat il y a un an. Après trois ans d’expatriation chaotiques sur le plan professionnel il me fallait lancer le projet sur lequel je planchais depuis plusieurs années : j’en ai fait le récit dans l’article Entreprendre au Mexique. Et puis…une pandémie est arrivée.
L’enfermement dans un appartement certes spacieux et lumineux mais où il est impossible d’ouvrir les fenêtres nous est devenu suffocant à l’instar de notre quotidien. En passant soudainement plus de temps ensemble, Andy et moi avons pris conscience que nous étions parvenus à un stade de saturation et que notre équilibre ne pendait qu’à un fil. Telle une goutte d’eau qui fait déborder le vase, la pandémie a mis à jour que la vie que nous menions ne nous satisfaisait pas. Ce n’était pas la première fois que nous nous questionnions et que nous remettions les choses en cause, mais cette fois-ci nous avons senti qu’il était urgent d’agir.
Mon activité a bien-sûr était profondément affectée (voir l’article Lancer sa boîte à l’aube d’une pandémie) et Andy a senti la nécessité d’élargir son horizon professionnel et de prendre des mesures concrètes pour faire grandir sa boîte. Pour lui comme pour moi déménager à Mexico est devenu notre nouvel objectif.
Du projet de location au projet d’achat
Durant l’été nous avons donc commencé à regarder les annonces de location dans les quartiers que nous envisagions afin d’avoir une idée du marché. Nous n’étions pas particulièrement « pressés » à ce moment-là dans la mesure où Andy avait besoin de temps pour opérer une transition dans sa boîte. Plus nous avancions dans nos recherches et plus nous prenions conscience qu’acheter nous serait plus profitable. C’est toujours le cas me direz-vous ? Pas à Monterrey où il a une très forte disparité entre les loyers et les prix de vente et où une bulle immobilière ne cesse de croître depuis deux ans.
Mais dans notre nouveau cas de figure l’idée d’acheter a commencé à germer dans notre esprit, confortée par le fait qu’investir dans une capitale telle que Mexico était une option intéressante pour le futur. Nous sommes donc passés des annonces de location aux annonces d’achat et nous avons décidé de reporter notre voyage en Nouvelle-Angleterre afin de se concentrer sur ce projet désormais prioritaire.
La trouvaille
À ce stade on s’est rapidement rendu compte qu’il allait être difficile de trouver un bien qui réunisse tous nos critères : taille, lumière, nombre de chambres, style de l’immeuble, étage, quartier…Et pourtant ! Fin août je trouve une annonce très prometteuse. L’appartement rempli presque toutes nos attentes : deux chambres, balcon, petit immeuble avec peu d’appartements, à deux rues de Reforma et à deux minutes de l’entrée du Bosque de Chapultepec. Il n’a pas le charme de l’ancien (et pour cause il est neuf), en outre les deux chambres donnent sur un puit de lumière (chose courante à Mexico) mais sa localisation est parfaite et le séjour donne sur la rue. On appelle et on envoie un cousin d’Andy qui vit à Mexico afin de le visiter. On voit les photos et les vidéos : on est convaincus. Nous savons qu’un processus traditionnel impliquerait de voir plus d’options mais pour nous ça colle et ce d’autant que nous avons réussi à négocier un prix vraiment intéressant.
Le hic
Pourtant il y a un hic : l’appartement est occupé par un couple de locataires originaires du Québec. L’agent immobilier nous explique que le propriétaire souhaite vendre mais qu’en attendant il a réussi à le louer afin d’avoir une rentrée de fonds. Alors que nous l’informons que ça ne va pas fonctionner pour nous dans la mesure où nous comptons l’habiter, celui-ci nous assure que les locataires sont parfaitement au courant que le propriétaire cherche à vendre, qu’ils ont été avertis au moment d’emménager il y a deux semaines. Il insiste sur le fait que le propriétaire va négocier avec eux une date de départ avant la fin de leur contrat de location (contrat d’un an), que ça a été discuté. De nature sceptique je suis peu satisfaite par ces réponses mais l’agent immobilier est optimiste et nous prenons la décision de solliciter le prêt. Nous savons que cette démarche va prendre un certain temps et qu’en attendant nous pourrons continuer de gérer la question des locataires.
La sollicitation du prêt
Dans n’importe quel pays solliciter un prêt est un vaste processus administratif qui implique de fournir de nombreux documents. Scolairement Andy et moi nous exécutons sans broncher, nous savons ce que nous voulons. Je sollicite même de l’aide en France afin de me faire envoyer des certificats de naissance apostillés et récents que je vais devoir faire traduire officiellement. Le problème ? Ça traîne…
Nous décidons de déposer notre sollicitation dans deux autres banques afin d’évaluer leurs taux et espérant accélérer les choses mais dans les trois cas c’est lent, très lent. Le Covid semble être le prétexte à tout. En outre n’ayant pas le profil typique du salarié en CDI, notre situation semble plus complexe à analyser et nous sentons les banques beaucoup plus frileuses. Nous pensions que la « crise » (voir La crise au Mexique) jouerait en notre faveur et pourtant…
Finalement, à l’issue de deux mois marqués par plusieurs échanges hebdomadaires avec les banques et toujours plus de documents demandés, le prêt nous est enfin accordé. Nous sommes alors début novembre.
Mais ça ne s’arrête pas là
En attendant nous avons continué d’insister auprès de l’agent afin qu’il nous confirme que les locataires ont accepté de partir à une date précise or il est toujours incapable de nous donner une échéance.
Par ailleurs, un autre obstacle apparaît : le notaire qui a commencé à réviser tous les documents, tant ceux du propriétaire comme les nôtres, nous souligne que l’acte de propriété n’a pas été enregistré correctement. Il n’est pas inquiet car il nous explique que la construction a livré l’appartement en mai et qu’avec la pandémie les bureaux pour faire le nécessaire étaient fermés. Il insiste néanmoins sur le fait qu’il faut effectuer la démarche sans quoi il sera impossible de faire quoique ce soit, aspect sur lequel je suis entièrement d’accord.
Le propriétaire entame donc le processus et le notaire nous propose en attendant de signer la promesse d’achat avec un contrat mettant en évidence nos deux conditions : acte de propriété en règle et appartement libéré de ses locataires. L’agent immobilier accède à notre requête en nous informant que le propriétaire est d’accord et nous prenons rendez-vous pour le mardi de la semaine suivante (mardi dernier).
Avant ça, nous devons passer visiter l’appartement que nous n’avons vu qu’en photo et en vidéo grâce au cousin d’Andy. Nous savons que c’est inconcevable pour la majorité de s’engager sans avoir vu de ses propres yeux le bien mais nous avons été convaincus et avons confiance dans la personne qui a effectué la visite pour nous.
La chute
Mais le lundi, veille de notre départ, tout dérape. L’agent immobilier nous informe que le propriétaire a parlé aux locataires le dimanche (il nous avait pourtant dit qu’il l’avait fait il y a de ça des mois) et que ces derniers ne veulent pas écourter leur contrat et qu’ils ne partiront pas. Il le dit sur le ton le plus naturel du monde comme si ce n’était pas un problème et conclue qu’on peut l’acheter comme ça, avec les locataires dedans dont le contrat se termine en août, et qu’en attendant on a qu’à louer. Une blague? J'aurais bien aimé...Eh bien oui, « on n’a qu’à » faire comme ça, pourquoi compliquer les choses ?
Andy est furieux, quant à moi, je suis curieusement très calme. En fait, je ne suis pas surprise, pire, je m’y attendais. C’est aussi bête et triste que ça. Un mois plus tôt, sentant que l’agent immobilier n’était pas clair j’y ai vu un signe comme quoi il nous fallait lâcher l’affaire. Aussi ridicule que ce soit venant de quelqu’un d’aussi rationnel que moi, j’y ai vu un message subliminal, un signe du destin comme quoi il nous fallait abandonner cette voie, que cet appartement n’était pas fait pour nous. Andy a ri et je crois bien que s’il m’avait dit la même chose j’aurais ri aussi. Et pourtant lundi, telle était la situation.
Notre réaction
Rue de la Roma Norte
Malgré la difficulté du moment et le fait que je m’y attendais, le désespoir n’était pas loin. Nous n’avions certes encore rien signé mais on s’était projeté dans cet appartement, on avait commencé à imaginer comment nous allions l’aménager et surtout trois mois se sont écoulés : trois mois d’attente pour retourner à la case départ. Malgré tout il nous fallait agir : Andy a téléphoné au notaire pour lui expliquer la situation et annuler le rendez-vous ; de mon côté je me suis mise à chercher des appartements à tout vitesse afin de pouvoir les visiter le lendemain. Nous ne pouvions pas annuler les billets d’avion, du reste Andy devait être à Mexico pour le travail le mercredi de toutes façons.
Rebondir
Ça laisse un goût amer de monter dans l’avion après un an et demi sans aucun voyage non pas pour signer une promesse d’achat mais avec le sentiment d’aller vers le « néant », de devoir tout recommencer. Et pourtant, je suis de ceux qui pensent que les choses n’arrivent pas par hasard. Si « ça » ne s’est pas fait c’est au fond peut-être pour le mieux et j’ai bien le sentiment que nous avons évité une catastrophe. Quoiqu’il en soit nous n’aurions jamais acheté cet appartement occupé.
Finalement, mercredi nous avons fait la connaissance d’une agente immobilière qui connaît très bien Mexico pour y avoir toujours vécu. Elle s’est montrée attentive, à l’écoute de nos attentes et des critères véritablement importants pour nous et nous avons visité quatre appartements. À l’issue de la journée elle nous a fait découvrir plus en profondeur un des quartiers que nous visons et nous a invité à prendre un café dans une boulangerie à tomber par terre (je précise que nous étions en extérieur et à distance).
Le "roll" citron-ricotta de chez Rosetta
Le lendemain, alors qu’Andy devait voir des clients, je suis partie visiter quatre autres appartements avec elle et elle va continuer de nous envoyer des propositions à distance, l’idée étant de revenir à Mexico pour un week-end complet de visites. Nous avons apprécié son professionnalisme et le fait qu’elle ne nous mette aucune pression.
Enfin, malgré notre mésaventure Andy et moi avons pris le parti de profiter de notre journée. Notre avion décollant à 5h40 le mardi et nous étant levé à 3h30 nous n’avions pas eu le temps de prendre de petit-déjeuner. En arrivant donc à Mexico, nous avons dégusté des chilaquiles chez Eno avant de commencer les visites.
Puis le soir, nous avons dîné chez Galia Chef, un petit bistro français avant de nous ouvrir une bouteille de champagne à l’hôtel que nous avions acheté plus tôt dans la journée (un Taittinger impossible à trouver à Monterrey).
On avait besoin de relâcher la pression et trinquer non pas à ce qui ne s’est pas fait, mais à ce qui se fera, au nouveau qui reste à écrire.
Cette année est définitivement particulièrement difficile pour tout le monde, à n’importe quel niveau, mais quelque soit la longueur du tunnel, au bout, il y a toujours de la lumière. Suite au prochain épisode…
Note Covid : il est certain que ce voyage de deux jours s’est révélé être une prise de risque quant à la pandémie et dans le même temps Andy ne peut malheureusement pas faire « tout » son travail à distance (moi non plus d’ailleurs). De plus, pour un acheter un bien il est en définitive nécessaire de se déplacer. On a pris toutes les précautions qu’on pouvait et on doit bien continuer d’avancer. On croise les doigts.
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